Les corpus spécialisés documentent un « domaine » référentiel particulier, lié à un secteur économique, socio-professionnel, etc., qui bénéficiera directement ou indirectement des connaissances élaborées par l’étude de ces corpus. L’étude linguistique des interactions de soin, actuellement en plein essor en France, contribue à la formation des professionnels de santé ou à l’ajustement des politiques institutionnelles. Pour autant, thématisant la vulnérabilité de personnes physiques, ces données sont en grande partie sensibles au regard du RGPD. Cette sensibilité crée une tension importante entre la protection des personnes et l’exploitation linguistique des données, rendant difficile leur partage. Notre corpus d’étude est constitué d’une collection d’extraits d’interactions entre professionnels (réunions d’équipe, transmissions) en soin non somatique (santé mentale, addiction), intégralement transcrites orthographiquement et annotées manuellement, puis semi-automatiquement. Nous examinerons successivement 1. les mécanismes de co-construction du profil du patient en interaction ; 2. la sensibilité potentielle des données analysées ; 3. sous quelles conditions leur partage peut être envisageable. 1. Le fractionnement du soin pluridisciplinaire en actes successifs inscrits dans des temporalités différentes induit une construction collective progressive des objets constitutifs du soin grâce à divers procédés de reformulation. L’analyse linguistique permet de mettre à jour des motifs langagiers particuliers relatifs aux attributs prédiqués. Dans ce contexte, nous définirons comme figures une classe d’objets discursifs validés intersubjectivement dont nous esquisserons les caractéristiques linguistiques et les conditions d’émergence, en nous focalisant sur deux types de figures lexico-référentielles. Nous verrons comment celles-ci, en participant à la construction ou au renforcement des représentations collectives des équipes soignantes, constituent une ressource tant discursive que cognitive pour l’élaboration du profil du patient et de son parcours de soin. 2. Dans une perspective méthodologique, le cadre légal du RGPD impose la désidentification, i.e. le découplage des « données personnelles » de la personne physique concernée. De nombreuses procédures en traitement automatique permettent le repérage et l’anonymisation des entités nommées contenues dans le « texte » (oral ou transcrit). Sur le plan éthique, néanmoins, la sensibilité est augmentée par les données contextuelles qui informent le discours, et décuplée lorsque la taille de l’échantillon textuel permet le recoupement d’informations en soi non identifiantes. Aussi, la protection des personnes peut parfois sembler difficile à garantir dans le contexte des travaux en linguistique interactionnelle ou textuelle, dont la pertinence repose sur la mobilisation de données co- et contextuelles riches. 3. Nous présenterons en guise de conclusion nos premières réflexions quant à la catégorisation des données en fonction de leur caractère potentiellement identifiant et de l’usage qui en est fait (recherche et éventuellement formation).