Les grandes lignes de la vie de François-Emmanuel Fodéré (1764-1835), l’un des « pères fondateurs » de la médecine légale, sont globalement documentées de manière satisfaisante. Sans s’étendre longuement sur le détail de ses premières années, faute de copieuses sources, tous ses biographes insistent néanmoins sur le destin hors du commun d’un Savoyard d’extraction modeste, tôt remarqué pour d’évidentes dispositions intellectuelles. La présente communication ambitionne par conséquent, s’appuyant sur ces quelques biographies et les rares documents d’archive disponibles, d’analyser ce qui, dans ce parcours a priori extraordinaire, peut tenir au milieu social, institutionnel et culturel non anodin dans lequel l’intéressé a vu le jour et a laissé entrevoir à ses premiers maîtres les signes manifestes de son génie personnel ou de son application pour l’étude. Mais si la Savoie d’Ancien Régime a en quelque sorte joué le rôle d’éveilleuse de sa vocation, en influençant incontestablement le thème de ses premières recherches — comment ne pas penser à ses travaux sur le goître et le crétinisme, fléaux sanitaires endémiques des villages de la montagne mauriennaise de son enfance ? — nul ne se soucie guère en retour, au-delà de la mention convenue de l’érection d’une statue à son effigie dans sa ville natale de Saint-Jean de Maurienne (1846), de se pencher sur la problématique de la réception locale de tout ou partie de son œuvre et de l’influence éventuelle de celle-ci, tout au long du XIXe siècle, dans les milieux cultivés de la petite contrée alpine. Or, quoique ne cultivant plus que de faibles liens avec son pays natal, parvenu à l’âge de la maturité, convient-il de ne voir néanmoins qu’une singulière coïncidence dans l’intérêt illustré par maintes publications savantes que portent assurément les élites savoyardes contemporaines aux thèmes de la santé publique, de l’hygiène ou encore de la nécessaire « instruction » des masses populaires ? N’ont-ils pas été popularisés ici au premier chef par un compatriote et le cas échéant un paradoxal disciple en la personne de Monseigneur Alexis Billiet (1783-1873), évêque de Maurienne de 1825 à 1840, puis archevêque de Chambéry, également confrère du savant médecin à compter de 1825 au sein de la vénérable institution de l’Académie de Savoie ?