Notre hypothèse principale est que les économies de la Chine et du monde arabe ont connu une continuité historique remarquable, de période en période, dans les formes successives de contrôle exercé par l'État sur les conditions de production et d'appropriation des richesses. Aujourd'hui, l'économie chinoise s'inscrit dans un processus d'appropriation mondiale de valeurs d'usage mesurables, de titrisation des actifs, qui contribue à convertir des droits d'usage de nature collective en droits de propriété à caractère privatif. Les " nouvelles enclosures " s'accompagnent également d'une captation des rentes, qui trouvent ensuite à s'investir dans les activités les plus lucratives. Ici également, la rente nourrit la rente. Et de ce point de vue, la rente mondialisée du capitalisme chinois constitue certainement le phénomène le plus marquant des transformations contemporaines, non seulement parce qu'il suscite une accumulation primitive qui ajoute de nouvelles pressions à la baisse sur le coût du travail, mais aussi parce que cette rente vient irriguer l'espace des échanges et représente ainsi le moteur de la croissance du marché chinois et le nouveau fondement du pouvoir de l'Etat-parti. Dans les Etats pétroliers du monde arabe, les expériences actuelles et celles du passé montrent que la privatisation des systèmes productifs locaux ne garantit pas la prise en charge du risque industriel par les nouveaux détenteurs d'actifs. Et c'est sans doute à travers ces expériences aussi qu'apparaissent les limites d'un scénario entrepreneurial déployé à l'intérieur d'une économie étatique de rente minière.