Les grandes manœuvres annuelles, mise en scène de la guerre à venir (1899-1914) - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Francia. Forschungen zur westeuropäischen Geschichte Année : 2013

Les grandes manœuvres annuelles, mise en scène de la guerre à venir (1899-1914)

Stéphane Tison

Résumé

Les grandes manœuvres en France constituent entre 1899 et 1914 un moment phare de la vie militaire mais aussi un fait social important. Exercices d’anticipation appliquée, tenant compte de la réalité géopolitique du moment, de l’évolution des techniques ainsi que de l’état de l’opinion publique, elles constituent ainsi un observatoire particulièrement intéressant pour comprendre la façon dont la guerre future est non seulement envisagée par l’état-major, mais également représentée et mise en scène. Ce n’est pas tant le caractère stratégique et technique de ces répétitions d’une guerre qui intéressent ici mais plutôt le retentissement culturel de cet événement annuel. On présentera d’abord les contours de ce rite national, interrompu une seule fois en 1899 en raison de la fièvre aphteuse… au moment du procès de Rennes du capitaine Dreyfus. Commenté, préparé par la presse au fil de l’année, ce rite met l’opinion publique au diapason des activités militaires à l’automne pendant plusieurs semaines, avec une gravité de ton variant au gré des tensions internationales. Dans l’espace, il affirme la souveraineté d’une nation sur un territoire, surtout quand le sentiment de menace se précise, en 1905 et 1911. Les manœuvres d’automne constituent aussi au tournant des XIXe et XXe siècles un vecteur essentiel de la « banalisation du militaire » pour reprendre l’expression de Raoul Girardet. Revues illustrées, cartes postales, objets du quotidien montrent la popularité du thème jusqu’aux traits des dessinateurs satiriques qui en font un sujet de raillerie propre à interroger le rôle de l’armée dans la nation. Anticipation de la guerre à venir pour les uns, parade, voire simulacre pour d’autres, y compris dans les milieux militaires, les grandes manœuvres s’apparentent à un spectacle, voire à un jeu confinant au sport, où l’ennemi, la violence de guerre et la mort sont induits mais absents. Cette euphémisation de la violence et de la létalité du combat laisse penser que c’est moins la guerre en tant que telle qui est montrée ou discutée que la cohésion nationale, sans cesse interrogée depuis le désastre de 1871. Finalement, les manœuvres d’automne permettent-elles d’armer les esprits ? Moment de démonstration de la puissance et de la modernité de l’armée française, c’est assurément une occasion de diffuser une image de la nation armée dans tout le corps social. Ces manœuvres popularisent aussi les éléments d’une culture guerrière, prêts à être investis symboliquement dans le cas où la menace dériverait en agression. Toutefois, l’épée fut-elle présentée, encore fallait-il se décider à la saisir.
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Dates et versions

hal-02115588 , version 1 (30-04-2019)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02115588 , version 1

Citer

Stéphane Tison. Les grandes manœuvres annuelles, mise en scène de la guerre à venir (1899-1914). Francia. Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, 2013, 40, pp.375-384. ⟨hal-02115588⟩
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