La violence ou la violence verbale sont bien souvent difficiles à circonscrire. Où commencent-elles, qu'est-ce qui fait violence, comment ? Il en va alors de la perception des limites de ces phénomènes (ce qui est acceptable ou pas) en fonction du contexte culturel et social, des télescopages générationnels, des normes acceptées, ou même des tolérances individuelles. D'un point de vue interactionnel et donc de la violence verbale, un même acte de langage peut être perçu selon des axiologies positive ou négative : comment distinguer le conseil et le reproche, la critique et le dénigrement par exemple ? Toutefois, comme l'ont montré nos différentes études 1 , la théorie des identités sociales (Goffman 1959), des actes menaçants pour la face d'autrui et de la politesse (Brown et Levinson 1987) lorsqu'elles sont mobilisées dans une perspective de co-construction des interactions, permettent de se donner des balises pour analyser à la fois la montée en tension de la violence verbale et certains actes menaçants, tels que la menace, le reproche, la médisance, le dénigrement ou l'insulte. Nous souhaitons ici tenter de définir la catégorie des actes de condamnation. Nous tenterons 1) de définir ces actes et de montrer comment on peut les repérer et les analyser linguistiquement ; 2) de montrer pourquoi tout discours public qui comporte un grand nombre de ces actes sera toujours susceptible d'être interprété comme haineux, quels que soient l'intention avouée et le contexte. Nous présenterons d'abord la perspective d'analyse qui est la nôtre et notre conception de la violence verbale avant d'aborder la question des actes de condamnation proprement dits ; la dernière partie du texte sera consacrée aux discours dits d'humour vexatoire qui déchaînent les passions parce qu'ils peuvent être interprétés de manières diamétralement opposées, et dans lesquels les actes de condamnation jouent un rôle particulier.