Le cadre dans l’art des jardins de la Renaissance. Une figure de la transitio
Résumé
L’architecture des jardins de « plate-forme », aménagés au XVIe siècle en France dans des paysages de plaine, entre dans la catégorie des décors en tabula. Ce sont en effet des étendues planes « ornées à compartiments » au même titre que les objets, le mobilier et les pavements précieux, dont le plat est structuré en trames, bordures, compartiments, écoinçons et médaillons. Dans les sources que nous avons rassemblées, cet ordonnancement est explicité par le typus du « Tapis de Turquie », à savoir une « image-concept » à fonction cognitive valable indépendamment des échelles spatiales. Le vocable « compartiment » dériverait de « comportement » ou cartouche, c'est-à-dire le cadre orné d'une inscription, d'une devise ou d'armoiries. En conséquence, quand le compartiment se confond avec un motif d’ornement à symétrie centrale, il proviendrait du déploiement centripète du cadre orné d’une figure blasonnante disparue. Toutefois, dans les pourtraicts gravés qui servent de modèles à la confection des parterres, la « bordure » est une nouvelle frise d’encadrement qui s’inscrit entre la trame et le compartiment-ornement, en assurant une transition entre le module et sa grille modulaire. Or dans plusieurs sources de ce corpus, cette délimitation est en relation métonymique avec le terme « brodure ». De la sorte, dans les premiers parterres de broderies, une « Platte bande » est analogue à une « Bende d'habillement » dessinée de « feuillages ». Malgré son caractère « marginal », la bordure-brodure révèle l’idéal universaliste qui caractérise le langage des arts du décor à la Renaissance. Parallèlement, cette ratio invoque le sobre univers des théories artistiques de la commensuratio, puisque selon lexicographe le « Compartiment » est analogue à un « Compartement », ou « departement d’un tout an parties & figures, proportionées, & bien seantes ».