Depuis un siècle, les sports font l'objet d'analyses en sciences sociales. Si de nombreuses idées étaient en germe dès le début du XXe siècle, des chercheurs entendaient déjà se consacrer à l'étude du monde contemporain Aujourd'hui, les recherches sociologiques mesurent essentiellement des taux de pratiques selon des variables classiques (sexe, classes…) et/ou s'attachent à étudier les processus par lesquels les acteurs s'engagent dans telle ou telle activité. Depuis les travaux de Mauss (1934) jusqu'aux analyses dispositionnalistes (Lahire, 2005) ethnographier les pratiques sportives, c'est d'abord répertorier les attitudes du corps. Le chercheur y identifie des techniques, à l'instar des méthodes de recueil de données élaborées par Mauss. Il s'agit de décrire les pratiques en soi à travers les manières de faire, d'investir l'espace. Le travail consiste autant à récolter des discours qu'à inventorier des gestes et postures à travers les aptitudes comme série d'actes qui s'incorporent. Cette démarche sociologique est heuristique car elle met en relation des caractéristiques techniques et symboliques similaires dans les modalités d'un même sport pratiqué in situ, dans un contexte, au sein du groupe. Si l'approche bourdieusienne du sport (Bourdieu, 1984) s'est concentrée sur les déterminants sociaux des pratiques, elle a négligé le potentiel spatial des activités. Elle a pris essentiellement en compte la distribution sociale des sports en écartant du même coup les différences entre territoires de pratique. Dès lors, en s'appuyant sur la sociologie dispositionnaliste, j'ai pu mener une enquête auprès d'un groupe de pratiquants d'un club, centre sportif d'excellence. La notion de disposition sociale, forgée initialement par Mauss a été mobilisée pour comprendre l'aptitude d'acteurs à s'engager dans une activité de haut niveau (l'entraînement dans les stades d'eau vive, sites conçus pour performer). Dans ce contexte, une distinction s'opère entre naturalité et artificialité (Marsac, 2008). A partir d'une ethnographie menée auprès de 28 aspirants athlètes de haut-niveau en canoë-kayak 1 , il s'agissait de questionner le transfert de leur savoir faire acquis lors de descentes de rivières vers les stades d'eau vive, en faisant apparaître les poussées de sportivisation successives (Elias et Dunning, 1994). Cette acquisition de dispositions spécifiques est propre à chaque espace de pratique. Il y a une poussée quand les épreuves de slalom redeviennent olympiques à partir de 1992 (après une organisation unique qui a eu lieu en 1972). Dans ce domaine, l'ethnographe se trouve en concurrence avec les acteurs de l'activité étudiée pour le statut légitime de la connaissance car il interroge les processus qui sous-tendent la fabrique d'un corps performant