Parmi les pratiquants actuels de la danse Odissi, considérée par le gouvernement de l’Inde comme la danse « classique » de l’Etat est indien de l’Orissa (rebaptisé Odisha en 2011), certains revendiquent la « contemporanéité » de leurs œuvres chorégraphiques, alors que d’autres associent l’usage de tout vocabulaire évoquant la « modernité » à une déchéance certaine de la « tradition ». Aussi, à Bhubaneswar, capitale de l’Orissa dans laquelle l’Odissi jouit d’une grande popularité, des controverses vives éclatent périodiquement dans les médias à l’occasion de spectacles en défense d’une tradition supposée « véritable ». La virulence des attaques que subit en 2009 une danseuse et chorégraphe locale au lendemain de la présentation publique d’une de ses productions indique que, du point de vue des pratiquants, l’enjeu est important. Pourtant, ses opposants semblent partager avec elle un parcours de transmission et un engouement pour de nouvelles chorégraphies comparables. En quoi sa création se démarque-t-elle alors ? A partir d’éléments ethnographiques, de l’examen de sources narratives et écrites datant de moments particuliers du développement de l’Odissi, l’article examine comment les affiliations esthétiques s’imbriquent avec les appartenances ethniques, de classe, de sexe des pratiquants. Il montre ainsi comment la chorégraphe s’inscrit dans les clivages propres à la dynamique relationnelle et sociale des pratiquants. Car si certains groupes adhèrent aux tendances chorégraphiques dominantes dans l’Etat d’Orissa, considéré comme étant le berceau de l’Odissi, d’autres manifestent leurs affinités avec celles qui sont impulsées par les politiques culturelles nationales en vue d’une optimisation de la diffusion. Toutefois, en quoi consistent concrètement les initiatives chorégraphiques décriées ? L'analyse montre que cette question ne peut trouver de réponse aisée, car les différences se situent dans des nuances qui s'avèrent n'être repérables que par les insiders.