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Communication Dans Un Congrès Année : 2006

“De l’utilité de l’harmonie” : imaginaire musical et modèles de sociabilité dans la littérature morale (XVIIe-XVIIIe siècles)

Résumé

Dans son Harmonie universelle (1636), Marin Mersenne entreprend d’« expliquer l’utilité de l’Harmonie dans la Morale et dans la Politique » (« De l’utilité de l’harmonie », Proposition X), esquissant les contours d’une harmonie moralisée qui revient à constituer la musique en un magasin de figures à l’usage des prédicateurs : par exemple, « il est aisé de monter que le concert des vertus qui perfectionnent l’âme est composé des quatre vertus principales, ou cardinales, comme les concerts harmoniques de quatre parties, et de comparer chaque partie à chaque vertu, suivant les propriétés des unes et des autres […] ». Les moralistes des XVIIe et XVIIIe siècles ont fréquemment tiré parti de cette « utilité », et l’on pourrait multiplier les exemples de la prégnance de l’imaginaire musical dans le discours moral de l’âge classique et des Lumières, singulièrement pour ce qui concerne, au cœur de ce discours, les théories et les représentations de la sociabilité : « Il faut de la variété dans l’esprit […]. On peut prendre des routes diverses […], pourvu qu’on aide au plaisir de la société, et qu’on y observe la même justesse que les différentes voix et les divers instruments doivent observer dans la musique. » (La Rochefoucauld, « De la société »). Ou encore : « Comme de différents sons ménagés avec art, il résulte dans la musique un tout formé par des accords qui nous enchantent : de toutes les actions d’un galant homme, il doit résulter dans sa conduite une harmonie parfaite. On peut dire qu’il est dans la société, ce qu’est dans son art, un habile Musicien. On reconnaît les talents supérieurs de celui-ci, non seulement à la perfection avec laquelle il exécute sa partie ; mais c’est encore à lui que nous sommes redevables, de toute l’harmonie du concert qu’il anime, et dont il a composé les accords. » (Marin, L’Homme aimable, 1751). Plus que simple métaphore, le paradigme musical se révèle ici doublement opératoire, les règles de l’harmonie fournissant aux moralistes qui le convoquent un modèle de régulation des rapports interhumains et, solidairement, un modèle de construction du moi social (de régulation des conduites en contexte mondain). Il s’agira donc de montrer dans quelle mesure l’imaginaire musical informe la problématique de l’interaction sociale dans le champ du discours moral. L’affaire est plus complexe qu’il n’y paraît d’abord. Aux occurrences topiques du modèle musical, investies d’une valeur positive, répondent – en contrepoint si l’on ose dire – les figures de la dysharmonie, figures d’une humanité qui, à proprement parler, ne s’entend plus (du motif pascalien de l’orgue désaccordé au fameux musicien de La Bruyère, qui « semble s’être remis avec son luth dans un même étui, ou n’être plus sans cet instrument qu’une machine démontée […] dont il n’est pas permis de rien attendre »). D’autre part, pour prendre la mesure des résonances symboliques qui sont celles du motif musical dans l’écriture morale, il conviendra de prêter une oreille également attentive aux textes dans lesquels ce motif est en quelque sorte en sourdine (il faudra se demander, par exemple, pourquoi la référence musicale, convoquée par deux fois au moins dans les Réflexions diverses, est totalement absente dans les Maximes…) et se voit supplanté par d’autres références, notamment aux arts visuels.

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Littératures
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01909131 , version 1 (30-10-2018)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01909131 , version 1

Citer

Bernard Roukhomovsky. “De l’utilité de l’harmonie” : imaginaire musical et modèles de sociabilité dans la littérature morale (XVIIe-XVIIIe siècles). Musique et société, Jun 2006, Créteil, France. p. 17-32. ⟨hal-01909131⟩

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