La mixité favorise-t-elle l’égalité des sexes dans les « formations d’élite » des filières scientifiques ? Cette question se pose dans un contexte où l’introduction de la mixité dans des Écoles Normales Supérieures (ENS) s’est traduite paradoxalement par une diminution de la féminisation de certaines filières scientifiques. L'introduction de la mixité des ENS Fontenay – Saint-Cloud est en effet une mesure qui semble ambigüe car privées du « quota » qui leur était de fait attribué avec la non-mixité du concours et des Écoles, la proportion des admises a fortement baissé. On est en effet passé d'un concours garantissant le succès d’un nombre fixe de filles à un concours commun qui n'en reçoit que très peu. Les filles grâce à leur réussite aux concours et à la fréquentation de l'École étaient dans la « reconnaissance de distinction » (Todorov, 1995), par le fait même d'être distinguées par l'institution (quotas de fait). Après l’introduction de la mixité, la « reconnaissance de distinction » a changé de forme sur la scène sociale. Dans cet article, nous montrerons que la combinaison de deux niveaux d'analyse – institutionnel et individuel – peut aider à comprendre cette « absence » des femmes dans les filières scientifiques sélectives (essentiellement en mathématiques et en physique) qui s'apparente à une désaffection de ces filières.