Si les romans de Claude Simon nous font aller et venir dans le temps, celui de la vie personnelle comme celui de l’Histoire, c’est aussi par de constants déplacements dans l’espace. Le puissant « sentiment géographique » de l’écrivain rejoint son goût de la description, qui fait jeu égal avec le récit, voire l’envahit de l’intérieur. Mais la description chez lui est rarement statique. Dépendant toujours du point de vue d’un sujet – on sait la proximité de l’écrivain avec la phénoménologie de Merleau-Ponty, et l’intérêt du philosophe pour son œuvre –, elle en suit les mouvements. Cette mobilité perceptive s’accentue pour peu que le sujet soit embarqué dans un moyen de transport quelconque. L’historien Marc Desportes a montré, dans "Paysages en mouvement. Transports et perception de l’espace. XVIIIe-XXe siècles", combien l’évolution technique avait modifié notre appréhension du monde. De même, chez Claude Simon, les moyens de transport (cheval, train, automobile, avion) modèlent à la fois une vision et une poétique. Ils fonctionnent comme des intensificateurs de perception, qui obligent à inventer de nouveaux moyens de restitution. C’est ce rôle "moteur" des moyens de transport dans la description simonienne qu’il s’agit ici d'étudier.