L'évolution des politiques publiques en matière de recherche semble tirer la production académique du côté de la recherche « contextualisée », répondant à une demande formulée par une institution. Ces commanditaires qui financent des contrats de recherche de court terme peuvent être des organismes publics, mais aussi des entreprises publiques ou privées. Si cette offre de financement n'est pas nouvelle et peut dans certaines conditions laisser une latitude aux cher-cheurs dans la définition de leur objet, la nécessité de répondre à une « demande sociale » émanant d'un acteur politique, économique ou syndical crée des tensions avec une vision plus académique de la production scientifique. Pour autant, peu de travaux tentent d’expliciter les enjeux liés à cette posture particulière : quelles sont les conditions de production de la recherche quand elle est liée à une « commande » émanant d’acteurs opérationnels, syndicaux ou politiques, le plus souvent dans une temporalité courte et avec une finalité pratique ? Peut-on réellement construire un dispositif de recherche scientifique de manière autonome, indépendamment des visées et du cadre d’intelligibilité propre au commanditaire ? Ce témoignage se fonde sur une recherche sur l’égalité professionnelle, réalisée au sein d’une grande entreprise industrielle française à la suite d’un accord signé sur ce thème en 2004. Nous montrerons comment nous avons à la fois cherché à maîtriser les conditions de production des connaissances scientifiques, dans une négociation permanente avec les commanditaires, et dans une certaine résistance à la commande, tout en ayant le souci de l’appropriation et du partage de ce savoir par les différents acteurs de l’entreprise.