Dans les premières décennies du second gouvernement de l'Office de Saint-Georges en Corse (1483-1562), les rapports politiques entre le pouvoir génois et les élites aristocratiques insulaires reposaient essentiellement sur des liens de fidélité personnelle. La construction de ce type de relation supposait d'entretenir des contacts directs et réguliers, de conclure un contrat politique et de le renouveler, de démontrer le respect de la parole donnée. Autrement dit, les rencontres, les gestes et les rituels jouaient un rôle fondamental dans la vie publique. Par ailleurs, la société corse était très divisée et inégalitaire. Les seigneurs du Sud mais aussi les caporali du nord de l'île, des chefs de clans aristocratiques dépourvus de droits seigneuriaux, s'efforçaient constamment de maintenir ou de rehausser leur honneur et d'affirmer leur supériorité sur les populaires à travers notamment la monture, le vêtement et le port ou la possession de bijoux. Dans le nord de l'île, les villages et les pièves se divisaient généralement entre deux factions rivales. Les rapports sociaux y étaient donc tendanciellement conflictuels et souvent émaillés de violences. La vie au sein de ces microcosmes posait de manière aiguë la question de la gestion des rapports personnels, des rencontres, de la proximité physique. La promiscuité devenait parfois insupportable et aboutissait à l'élimination physique de l'adversaire. En somme, les Corses étaient foncièrement attachés à leur liberté et à leur honneur. Or, la préservation de ces valeurs passait à coup sûr par le respect de la dignité de leur corps. C'est ce qui explique leur volonté acharnée d'échapper aux peines corporelles et aux peines de prison.