Fantaisies de l'objectif : les objets photographiés d'Henri Le Secq
Résumé
Si, pour le sens commun, les notions de "fantaisie" et d’"objet" n’ont rien pour être apparentées, l’une et l’autre se déployant dans des directions de sens opposés, et ce en particulier au milieu du XIXe siècle où l’une comme l’autre revêtent une importance capitale, tant sur le plan social et historique que philosophique et esthétique, leur association par la photographie relèverait de la gageure, voire du choc conceptuel. C’est pourtant ce que le photographe Henri Le Secq réalise aux alentours de 1852-1860 dans une énigmatique série photographique composée de cinquante-sept natures mortes, étrangement intitulée "Fantaisies. Clichés par Henri Le Secq" . En réunissant sous la bannière de la fantaisie des objets photographiés, Henri Le Secq pense et interroge tout ensemble un genre pictural – la nature morte – et sa reconfiguration dans et par le médium photographique, mais aussi deux horizons esthétiques généralement opposés, celui de la fantaisie, arraché au romantisme finissant de ces années-là, et celui du réalisme, dont les années 1850 voient justement la naissance en France. S’ils sont antithétiques, ces différents cadres de référence dans lesquels la série semble s’inscrire ne sont pas pour autant contradictoires : c’est à ce paradoxe que Le Secq travaille, et la série témoigne d’une tentative de réponse au problème posé. C’est à ce même problème que nous nous attachons, en tentant de démêler cet écheveau bizarre créé par Le Secq pour ainsi tenter de comprendre ce qui a pu présider à son acte de naissance.