Notre communication se propose de rendre compte d’une recherche exploratoire sur les usages numériques d’étudiants internationaux en séjour d’étude en France. Elle s’ancre dans les axes 2 (pour la méthodologie d’investigation), 4 (pour la réflexivité et 5 (pour la didactique interculturelle) du colloque.Le but de cette étude est d’observer les usages d’applications numériques qui servent à l’apprentissage du français, à la découverte culturelle et à entretenir un réseau d’amis en France. 16 étudiants en séjour d’étude dans une université française ont été recruté dans un centre de FLE. Il leur a été demandé de collecter, par l’intermédiaire d’une application mobile (Dayone ou Journey), des éléments numériques plurisémiotiques pour constituer des traces géolocalisées de leurs activités d’apprentissage et de socialisation. En ce sens, le dispositif de recherche propose une méthodologie d’investigation et d'outillage de la mobilité. La spatialité est envisagée ici moins au niveau des géographies cartographiables, que des processus actifs et formatifs de pratiques des lieux (Stock, 2006 ; Soja, 2013, p.i).Nous montrerons, dans le cadre de cette communication, dans quelle mesure le dispositif de recherche met au jour des pratiques d’apprentissage en mobilité de la part des étudiants internationaux, et comment ce dispositif permet un retour réflexif sur les pratiques et peut être réinvesti dans une éducation à la mobilité et aux usages numériques.Nous analyserons notre corpus en combinant deux axes : (1) un axe spatio-temporel de mobilité qui permet de confronter un regard porté sur le quotidien à un regard « touristique » (Urry et Larsen, 2011) ; (2) un axe de réflexivité qui confronte l’événement au retour sur soi et ses pratiques.Dans les discours recueillis sur l’expérience de mobilité étudiante et dans leur matérialité multimodale, donnant une grande place à la photographie, nous retrouvons ce que Crang (2014) appelle une « économie du désir » autant qu’une réflexivité du regard. Nos analyses montrent que l’ordre de l’événement est pourtant privilégié. Les espaces de la vie quotidienne ne sont que peu évoqués. Le regard « touristique » domine. Les étudiants de notre panel semblent peu ancrés dans des lieux quotidiens autres que leur « chez eux » et le lieu universitaire. Dans ce cadre, les seuls attachements translocaux semblent ceux liés aux outils numériques.L’ancrage dans l’espace local ne semble pas faire territoire et pourtant se prête à de nombreux apprentissages langagiers et relations sociales. Notre corpus met au jour l’importance des « espaces de secondarité » (Rémi, 1996), des espaces de l’ailleurs et de la distance sociale, qui sont, pour Rémi, la condition de la réflexivité. Le regard des étudiants en séjour d’étude sur l’espace et les pratiques locaux peut être vu comme une activité de construction de connaissances entendue comme « a semiological realization of space » (Hughes, 1998). Nous proposerons une cartographie des usages des lieux afin de mieux rendre compte d’échelles de mobilité différentes suivant les individus.Pour conclure, nous reviendrons sur notre choix d’un traçage doux (Connelly and Clandinin, 1990) contrôlé par l’individu, par l’intermédiaire d’un outil de self-tracking qui nous paraît être un outil potentiel de construction du sujet permettant de révéler le vécu par des techniques de remémoration et de connaissance de soi (cf. Granjon et al., 2012).Connelly, F. M., & Clandinin, D. J. 1990. “Stories of experience and narrative inquiry”. Educational Researcher, 19 (5), p.2-14.Crang, M. 2011. “Tourist: Moving Places, Becoming Tourist, Becoming Ethnographer”. In : Cresswell, T. & Merriman, P. Geographies of mobilities practices, spaces, subjects. Andover, Hants: Ashgate ; p.205-224.Granjon, F., Nikolski, V., & Pharabod, A.-S. 2012. “ Métriques de soi et self-tracking : une nouvelle culture de soi à l’ère du numérique et de la modernité réflexive ? » Recherches en Communication, 36(36), 13 26.Hughes, G. 1998. “Tourism and Semiological Realization of Space.” In: Ringer, Greg. (ed.)Destinations - Cultural Landscapes of Tourism. London : Routledge, p.17-32.Soja, E. W. 2004. “Preface”. In K. M. Leander & M. Sheehy (Éd.), Spatializing literacy research and practice. New York : Peter Lang ; p. i‑xv.Stock, M. 2006. « L’hypothèse de l’habiter poly-topique : pratiquer les lieux géographiques dans les sociétés à individus mobiles », EspacesTemps.net,Travaux, http://www.espacestemps.net/articles/hypothese-habiter-polytopique/)Urry, J. et Larsen, J. 2011. The Tourist Gaze 3.0. Sage.