L’Amérique latine constitue, sous bien des aspects, un véritable laboratoire constitutionnel. Ce constat se vérifie également en matière de développement de la justice constitutionnelle. Après le droit de chaque citoyen à présenter des réclamations contre les violations des droits fondamentaux dans le décret constitutionnel pour la liberté de l’Amérique mexicaine de 1814 ou le droit de contester les actes règlementaires ou législatifs des pouvoirs publics dans la Constitution de Yucatán de 1841, tous deux inspirés par les écrits de Sieyes et l’idée de défense politique de la constitution, c’est le modèle du judicial review des Etats-Unis qui a influencé les premières configurations de justice constitutionnelle sur le continent. Ces dernières décennies, c’est davantage le modèle dit « européen », fondé notamment sur un contrôle concentré et abstrait qui a connu une influence croissante. Aujourd’hui, l’Amérique latine connaît des juridictions constitutionnelles indépendantes du pouvoir judiciaire, d’autres qui y sont soumises, des chambres constitutionnelles au sein de cours suprêmes et des juridictions ordinaires compétentes pour exercer un contrôle de constitutionnalité. Ce melting-pot mimétique a permis l’émergence de systèmes mixtes mais également de procédures (amparo, habeas corpus, habeas data, etc.) et d’institutions spécifiques (Tribunal qualificateur des élections). Cette autonomisation des modalités de la justice constitutionnelle a conduit, notamment par l’intermédiaire du perfectionnement de la protection des droits fondamentaux, à l’apparition d’un modèle qualifié aujourd’hui de « néoconstitutionnalisme ».