La politique du Régent, favorable à l’essor de la vie théâtrale et à l’élargissement de l’offre de spectacles, modifie l’équilibre précaire qui s’était instauré entre les troupes pendant la fin du règne de Louis XIV. L’élargissement passe, d’une part, par le rappel des Italiens à Paris en 1716 à l’initiative du Régent lui-même qui sera leur protecteur, d’autre part, par la naissance d’une troupe de l’Opéra-Comique, fruit de l’accord financier entre les Forains et l’Académie royale de musique qui sous-traite son privilège avec l’accord du pouvoir politique. Cette libéralisation de la vie théâtrale entraîne une flambée de la concurrence entre troupes rivales : leur hostilité, dont les enjeux sont indissociablement d’ordre économique, institutionnel et esthétique, connaissent un point culminant. La querelle se mène sur deux fronts : sur la scène judiciaire, par des recours adressés aux instances officielles ; et sur la scène dramatique, au moyen d’une entreprise de séduction qui interpelle le public au moyen d’un répertoire dramatique qui rend compte, dans la fiction, des tensions opposant les troupes. Comment s’articulent les actions menées devant le tribunal de la justice et celui du parterre ? L’étude de l’année 1718 est ici proposée comme un révélateur de l’état et du fonctionnement du champ théâtral à l’aube des Lumières. Elle donne à voir la tension qui s’exerce au sein du champ théâtral entre deux instances de légitimation qui obéissent à des logiques distinctes et complémentaires, toutes deux nécessaires à la prospérité des théâtres : celle du pouvoir politique et celle du public citadin payant.