L’émergence des statistiques du travail entre 1891 et 1967 ou la construction d’une réalité économique, politique et sociale - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Rapport (Rapport De Recherche) Année : 2008

L’émergence des statistiques du travail entre 1891 et 1967 ou la construction d’une réalité économique, politique et sociale

Résumé

At the end of the day, labour statistics appear to be a statistic like any other. Its development is part of the history of official statistics as a whole. However, because it is more than others a fundamental cog in collective bargaining and social and political dialogue, labour statistics deserve a special place. Much more than production statistics, for example, it reflects the aspirations of the various partners to have a common language. The fact that employers' organisations have taken hold of them, that cost-of-living commissions do not want to disappear, even when their calculations no longer make any sense, and that prefectures have had serious quantified information since the 1920s, clearly shows the depth of what is at stake. More than any other, labour statistics were a 'common language', the construction of which resulted from (and revealed) collaboration between players with often conflicting interests. The willingness of political authorities to arbitrate labour disputes and intervene in the distribution of income and working conditions can be gauged by the funding allocated to the department - or departments - responsible for compiling public statistics. As we can see, apart from the exceptional periods of the two world wars, this is a relatively recent development in France. This undoubtedly partly explains the persistence of rivalries between central administrations or between ministerial departments, which leads to a lack of coordination and the fragmentation of quantified information. It also partly explains the effectiveness of data providers' resistance to statistical questionnaires. More generally, it does not encourage public opinion to cultivate feelings other than distrust of figures. The development of labour statistics is therefore a good indicator of the degree to which individuals are integrated into society and of the collective desire to have the indicators necessary for national regulation of economic and social activities. In this sense, it can be interpreted as a sign of modernity. Unlike at the beginning of the last century, the new agents of this modernity and of statistics have left the Ministry of Labour. Until recently, they were to be found in institutions such as the General Planning Commission, the Forecasting Directorate and, of course, INSEE and its "ancestors". The creation of the Service des Études et de la Statistique (SES) in 1975 and then of the DARES in 1990 transformed this balance and put the Ministry back at the centre of a statistical nebula... The effects of this change may be studied in a future report, as their archives are in the process of being opened.
Au bout du compte, la statistique du travail apparaît bien comme une statistique comme une autre. Son évolution s’inscrit dans l’histoire de la statistique publique dans son ensemble. Cependant, parce qu’elle est plus que d’autres un rouage fondamental des négociations collectives et du dialogue social et politique, la statistique du travail mérite une place à part. Elle reflète bien davantage que les statistiques de production par exemple, les aspirations des différents partenaires à disposer d’un langage commun. Le fait que les organisations patronales s’en emparent, que les commissions du coût de la vie ne veuillent pas disparaître, même lorsque leurs calculs n’ont plus aucun sens, et que les préfectures disposent d’informations quantifiées sérieuses dès les années 1920 montre bien la profondeur de leurs enjeux. Plus que d’autres, la statistique du travail est un « langage commun » dont la construction résulte (et révèle) de la collaboration entre des acteurs aux intérêts souvent opposés. La volonté des Autorités politiques d’arbitrer les conflits du travail, d’intervenir dans la répartition des revenus et dans les conditions de travail peut être évaluée à l’aune des crédits attribués au - ou aux - services chargés d’établir les statistiques publiques. On le constate, hormis les périodes exceptionnelles des deux guerres mondiales, cette volonté est relativement récente en France. Ceci explique sans doute en partie la persistance de rivalités entre administrations centrales ou entre directions ministérielles qui entraîne un manque de coordination et l’émiettement des informations quantifiées. Ceci explique aussi partiellement l’efficacité de la résistance des fournisseurs de données à l’égard des questionnaires statistiques. Plus largement, cela n’encourage pas l’opinion publique à cultiver d’autres sentiments que la méfiance à l’égard des chiffres. Le développement de la statistique du travail est ainsi un bon révélateur du degré d’intégration des individus à la société et de la volonté collective de disposer des indicateurs nécessaires à une régulation nationale des activités économiques et sociales. Dans ce sens, il peut être interprété comme le signe de la modernité. Contrairement au début du siècle dernier, les nouveaux agents de cette modernité et de la statistique ont quitté le ministère du Travail. Jusqu’à une période récente, ils se trouvaient plutôt dans des institutions comme le commissariat général au Plan, la direction de la prévision et bien sûr l’INSEE et ses « ancêtre ». La création du Service des études et de la statistique (SES) en 1975 puis de la DARES en 1990 transforme cet équilibre et replace le ministère au centre d’une nébuleuse statisticienne... Les effets de ce changement pourront être étudiés dans un rapport futur, leurs archives sont en train de s’ouvrir.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01722738 , version 1 (05-03-2018)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01722738 , version 1

Citer

Béatrice Touchelay. L’émergence des statistiques du travail entre 1891 et 1967 ou la construction d’une réalité économique, politique et sociale. [Rapport de recherche] Université de Lille. 2008. ⟨hal-01722738⟩
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