La mise en scène de la robustesse des individus sans-abri et l'imaginaire militaire comme détournement du stigmate
Résumé
Les individus sans-domicile adoptent en effet des comportements dont l'objectif est de camoufler leurs fragilités identitaires afin de ne pas perdre la face. Ils développent une mise en scène de la robustesse, se composant d'un ensemble d'attitudes et de discours dont l'objectif est de démontrer la supériorité physique dont ils font preuve et de conserver ainsi une image positive d'eux-mêmes. La mise en scène de la robustesse est alimentée par un imaginaire guerrier largement mobilisé par les individus sans-domicile. Nombre d'entre-eux s'appuient sur un passé militaire pour argumenter leur robustesse physique. Cet imaginaire guerrier est également entretenu par de nombreux récits de bagarres dont l'individu ressort toujours vainqueur. La référence à cette identité sociale virtuelle, valorisée par la virilité, la résistance corporelle, la force physique supérieure auxquelles elle renvoie, permet de compenser leur identité sociale réelle qui ne leur laisse que peu de supports pour être valorisés.
Ces comportements sont difficilement interprétés par les soignants et peuvent avoir des conséquences néfastes sur la prise en charge médicale des patients sans-domicile. En effet, ils minimisent et relativisent souvent leurs symptômes, ce qui peut aller jusqu'à entraver la démarche de diagnostic des soignants. De plus, la mise en scène de la robustesse permet en partie de comprendre le retard d'accès aux soins très fréquent chez les individus sans-abri. Leur état de santé généralement très dégradé crée une ambiguïté difficile à gérer par les soignants habitués à des interactions de soin où le patient qui les consulte cherche une réponse à une demande clairement définie et circonscrite correspondant à un symptôme précis.