Préface à l'oeuvre de Moritz Rinke, Café Umberto. Sur le modèle de La Ronde de Schnitzler, le huit-clos de Café Umberto, fait se croiser à l’agence pour l’emploi plusieurs personnages pris dans une crise identitaire aiguë. La question est de savoir comment porter à la scène la thématique du chômage longue durée. " La société de la peur est un public difficile, et difficilement saisissable, et jamais les directeurs de théâtre ne se sont trouvés dans un tel embarras. Alors qu’il ne s’agissait encore et encore jusque dans un passé très récent que d’ébranler l’assurance et l’auto-certitude bourgeoises, afin de créer une ouverture, une faille où pourrait se glisser l’horreur de la connaissance, cette stabilité de la bourgeoisie moyenne cultivée n’existe plus aujourd’hui. Au lieu d’avoir en face d’eux un collectif planplan, les gens de théâtre sont depuis peu confrontés à un public qui se compose exclusivement de spécialistes de l’insécurité, d’experts dans le domaine de la peur. Alors peut-on encore écrire sur le chômage ? Fondamentalement non, en tout cas pas sur le mode traditionnel de la critique sociale bien pensante. Il est impossible d’appréhender cette réalité au travers de sa figuration sur scène, on se rend ridicule aux yeux des experts de la peur présents dans la salle au travers de sa mise en accusation stéréotypée. La seule manière d’aborder ce thème, c’est par la voie détournée." John von Düffel, L’amour au temps de l’entreprise unipersonnelle (2005)