Robert Karasek, professeur de psychosociologie au département Travail et Environnement de l’Université Lowell au Massachusetts (Boston), est le principal auteur, avec Töres Theorell, d’un modèle d’analyse du stress très largement employé dans la littérature internationale, le modèle demande/contrôle (D/C). Dans ce modèle, les atteintes à la santé mentale ou la maladie chronique s’expliquent par le déséquilibre entre les « demandes » adressées aux salariés et le contrôle qu’ils peuvent exercer sur leur travail. La « demande » traduit la charge de travail, les rythmes de travail et le caractère plus ou moins morcelé de l’activité, la complexité des tâches, etc. Le « contrôle », parfois traduit par latitude d’action ou marges de manœuvre, recouvre la possibilité d’organiser plus ou moins son travail, de mobiliser ses compétences, de s’épanouir et progresser dans son travail, etc. Ce qui est le plus pathogène est la situation, appelée Job Srain ou « travail tendu », qui combine une forte demande et un faible contrôle. Par contre un « travail actif » (forte demande et contrôle élevé) ne présente pratiquement pas de sur-risque pour la santé. Quelques années après ses premières publications, Karasek a ajouté le « soutien social » (Social Support : aide et réconfort des collègues et supérieurs) comme variable modératrice du Job strain. Malgré le fait que son travail soit très largement cité par des chercheurs relevant de différentes disciplines, le parcours et le positionnement intellectuel de Karasek restent peu connus, notamment en France où aucun de ses textes n’a encore été traduits. L’entretien qui suit a eu lieu à Bordeaux le 29 avril 2016, à l’issue d’une rencontre internationale regroupant économistes, psychologues, juristes, sociologues et acteurs de l’entreprises et de la santé au travail autour de Karasek pour réfléchir en commun à la promotion d’un système économique et productif favorable à la préservation de la santé.