L’analyse des revendications identitaires des leaders indigénistes issus des groupes ethniques rai et limbu, tous deux regroupés sous l’appellation de Kirant, montre que ces dernières se fondent principalement sur une histoire réécrite de ces populations. Cette historiographie indigéniste s’élabore à partir d’interprétations libres des théories formulées par les orientalistes à propos du terme “Kirant”, et s’inscrit dans les débats indiens qui ont agité coloniaux britanniques, réformateurs hindous, leaders de basses castes et de tribus sur la légitimité politico-foncière qu’apportent l’ancienneté supposée d’un groupe et sa prétention à l’autochtonie. Je tente ainsi, dans cet article, de retracer, à travers à la fois une histoire de la formation et de la circulation de ces idées, et une sociologie des groupes qui les portent, la généalogie des écrits portant sur l’ethnonyme “Kirant” et, plus généralement, la question de l’origine de ces groupes. L’analyse montre alors que le terme de Kirant, qui est actuellement utilisé pour revendiquer une spécificité identitaire inscrite dans le local, n’a pourtant jamais pris sens que dans la relation à l’extérieur, soulignant ainsi comment les processus de construction identitaire se font toujours par un repositionnement par rapport à une population dominante.