Le projet de recherche Climencored (2010-2015) a été conduit par 3 laboratoires de recherche (CIRED-CNRS [coordinateur], CETCOPRA-Paris, PACTE) en étroite collaboration avec le CLER – Réseau pour la Transition Energétique, qui coordonne depuis plusieurs années le réseau TEPOS de Territoires pour la Transition Energétique. Il s’intéresse aux processus et aux conditions d’émergence de communautés énergétiques durables en France. Notre analyse tente de saisir ces processus en dépassant le cadrage usuel d’analyse ‘centralisation-décentralisation’ qui tend à saisir ces expériences dans leur relation au cadre centralisé français de politique énergétique, comme si elles les ressources et la capacité d’action de ces initiatives locales dérivaient exclusivement des soutiens et cadres de politiques nationaux. La première partie fait un point des approches théoriques des communautés énergétiques durables à l’international. Elle dresse une cartographie de ces approches et de la manière dont elles ont tenté de rendre compte de l’émergence et du développement de ces communautés énergétiques. Son objectif est d’apporter une contribution pour l’analyse des enjeux liés à ces expériences en France. La seconde partie recense les expériences de communautés énergétiques présentes en France en 2012. Elle permet de retenir trois cas d’études permettant a priori de rendre compte de différentes dimensions parmi les expériences recensées : Loos-en-Gohelle ; Le territoire des Crêtes Préardennaises ; Biovallée (Vallée de la Drôme). La troisième partie procède à une relecture des multiples facteurs qui, au cœur mais aussi au-delà de la centralisation de la politique énergétique, interviennent dans l’émergence d’initiatives locales. Cette partie du travail propose donc une première mise en cohérence de pans d’histoires et de dynamiques qui ont émergées dans les études de cas, assemblées en une chronologie en trois grandes périodes. Les trois dernières parties détaillent les processus d’émergence de capacités d’action dans trois les cas d’études : Biovallée (Vallée de la Drôme) ; les Crêtes Préardennaises et Loos-en-Gohelle (Nord-Pas de Calais). Les trois cas analysés montrent des processus de structuration incertains et longs, puisant vingt années ou plus en arrière et s’adossant à ce multiples facteurs - configurations sociales et spatiales héritées de leur passé et réactualisées autour des enjeux d’énergie ; cadres de politiques publiques ; soutiens européens ; réseaux activistes nationaux et transnationaux ... Outre leur nature profondément trans-scalaire, ces processus sont faits d’essais-erreurs et construisent une autre façon de politiser l’énergie, quelque fois à portée nationale. Ces analyses suggèrent que la structuration de capacités d’action peut émerger par des voies multiples, qu’il s’agisse d’agencements marchands (Biovallée), d’assemblage politique (Crêtes Préardennaises) ou de mise en récit d’une histoire locale (Loos-en-Gohelle). Ces analyses sont aussi l’occasion d’un retour et d’une mise en perspective de la portée des cadres de politique publique. Elles suggèrent les limites des cadres programmatiques formalisés à des fins de « gouvernement à distance », visant à guider les rationalités et l’action à distance au travers d’une mise en catégories, en quantité et en programme de la réalité. L’analyse montre que si les collectifs locaux peuvent développer des savoirs faire qui leur permette de mettre ces cadres programmatiques au service des dynamiques d’assemblage de projet, ce travail est toujours incertain et coûteux, tant ces cadres finissent par privilégier les procédures ou les indicateurs de performance sur les contenus et la constitution de collectifs d’action. Certains succès reposent sur le contournement de ces cadres – comme lorsque Biovallée refuse de s’engager vers un PCET, préférant dédier les énergies à l’assemblage politique d’un projet de rénovation énergétique –, d’autres s’en trouvent fragilisés – comme le recul de la dynamique participative dans les Crêtes Préardennaise au fil des successions évaluation / élaboration de programme au cours de la décennie 2000. L’analyse souligne, enfin, l'importance de configurations socio-spatiales héritées - passé minier dans le cas de Loos-en-Gohelle, structuration territoriale autour d’un bassin versant dans le cas de Biovallée, structuration territoriale autour d’un entre deux rural très peu dense dans le cas des Crêtes Préardennaises - comme un potentiel pour la transition énergétique, ce qui suggère que le « localisme » devrait être discuté à la lumière de sa capacité de rendre compte et de mobiliser ce potentiel dans la transition énergétique.