La variabilité forte et non maîtrisée de la tendreté de la viande bovine est un problème majeur pour toute la filière : éleveurs, abatteurs, distributeurs et consommateurs. Actuellement cette qualité, ne peut-être évaluée qu’après abattage par des tests d’analyse sensorielle ou par des mesures mécaniques. Aussi, les recherches conduites depuis une dizaine d’année dans notre équipe ont pour objectif de mettre en évidence des biomarqueurs de cette qualité utilisables pour la mise au point d’outils de phénotypage. Ces travaux, nous ont conduits à l’établissement d’une liste de protéines considérées comme biomarqueurs de la tendreté représentant diverses fonctions biologiques. Des heat shock proteins (Hsp20, 27, 40, 70-1B, 70-8, GRP75, alphaB cristallin) ont un rôle de chaperonnes et sont impliquées dans le phénomène d’apoptose (mort cellulaire programmée). Des protéines comme la superoxyde dismutase (SOD1), la peroxyredoxine 6 (PRDX6) ou Park7 interviennent dans le stress oxydant. Les milli- et micro-calpaïnes jouent un rôle majeur dans la protéolyse post-mortem. D’autres protéines ont des fonctions de structure (myosin binding protein H, alpha-actin), de contraction (myosin light chain 1, myosin heavy chain IIx) et de métabolisme musculaire (énolase 3, phosphoglucomutase 1) (Picard et al ., 2012). Une analyse bioinformatique des interactions biologiques entre ces protéines (Guillemin et al., 2011) a permis une meilleure compréhension des mécanismes pouvant être impliqués dans l’élaboration de la tendreté de la viande. L’objectif du projet Phenotend (financé par APIS-GENE) est de valider la relation entre ces protéines et la tendreté, et d’établir des équations de prédiction à partir d’un ensemble d’expérimentations regroupant des bovins représentatifs de l’élevage bovin français (divers sexes, âges et races). Sur ces animaux, l’abondance relative des protéines listées ci-dessus a été mesurée par la technique de dot-blot mise au point par Guillemin et al (2009). La tendreté a été évaluée par un jury entraîné après une cuisson jusqu’à 55°C à coeur. Les principaux résultats montrent des niveaux de prédiction moyens (25 à 50%) à très bons (70 à 80%) qui diffèrent selon le sexe et la race. Les prédictions apparaissent supérieures chez les vaches par rapport aux taurillons. Par exemple sur la figure ci-dessous sont présentées les régressions multiples et R2 ajustés pour des lots d’entrecôtes de 21 vaches pour chacune des races Holstein, Blonde d’Aquitaine et Normande, conduites et abattues à l’Unité expérimentale UERT (Inra Theix). Les niveaux de prédiction de la tendreté globale sont très voisins pour les trois races. Cependant, les protéines les plus explicatives diffèrent selon les races. Figure 1 : Prédiction de la tendreté globale de l’entrecôte chez des vaches de trois races, par régressions multiples à partir de l’abondance de 21 protéines biomarqueurs de la tendreté. Ces résultats vont permettre de sélectionner les protéines les plus explicatives de la tendreté afin d’utiliser les anticorps correspondants pour la construction d’une puce à anticorps dont un premier prototype a été élaboré. Les équations de prédiction établies pour chaque type d’animaux seront utilisées dans un logiciel d’interprétation des résultats de la puce. A terme cet outil pourra être utilisé par la filière pour estimer le potentiel de tendreté d’un animal vivant ou d’une carcasse.