Une approche pour mieux comprendre les conséquences de la sélection génétique sur l’évolution des performances individuelles dans un troupeau laitier caprin.
Résumé
Les stratégies de sélection génétique basées uniquement sur des critères de production permettent
d’accomplir des progrès spectaculaires lorsqu’elles sont réalisées en conditions d’élevage peu
contraignantes. De telles conditions deviendront probablement de plus en plus difficiles à réunir dans
les troupeaux laitiers en raison des évolutions incertaines du contexte de production. Cependant, les
programmes de sélection continuent à s’opérer en milieu non-limitant pour démontrer le haut potentiel
productif du matériel génétique qu’ils souhaitent vendre et disséminer dans les élevages. A l’échelle du
troupeau, un risque d’incompatibilité entre l’environnement de production et les caractéristiques
génétiques des individus sélectionnés peut donc exister. Il est alors intéressant de mieux comprendre
sur quelle base peut-on sélectionner des animaux peu sensibles à une variation défavorable de leur
environnement. Au niveau biologique, de telles aptitudes s’expliquent souvent en termes de partition
des nutriments entre fonctions (Friggens et Newbold, 2007), cependant la plupart des modèles
nutritionnels ne permettent pas de représenter les conséquences de la sélection génétique sur cette
partition. Pour y parvenir, le but de cette étude était de proposer une approche permettant l’intégration
de trois éléments clés dans un modèle nutritionnel : 1) l’incorporation de paramètres héritables, 2) la
sensibilité à différentes stratégies de sélection et au niveau de ressource fourni dans l’environnement,
et 3) une variabilité de la partition inter-individuelle et, intra individuelle à travers la vie de l’animal.
L’approche proposée part du principe que la sélection agit sur des paramètres d’allocation de la
ressource entre fonctions biologiques et non sur des potentiels de performance comme cela est
généralement considéré dans les modèles nutritionnels. Un modèle d’allocation a été développé et
calibré sur les dynamiques biologiques d’une chèvre laitière. A partir de ce modèle, la pratique de
sélection est toujours considérée sur les performances observées ce qui a permis de tester des
stratégies basées sur différents critères (lait, poids vif, condition corporelle, age).
La comparaison des réponses de sélection à long-terme de ces stratégies dans un environnement
favorable indique que la base génétique d’un trade-off entre la lactation et la survie au niveau individuel
ne conduit pas toujours à l’émergence du trade-off au niveau troupeau. Lorsque l’augmentation de la
quantité de ressource ingérée n’est pas contrôlée, les effets des changements d’allocation observés
sont compensés par une augmentation du potentiel d’acquisition. En revanche, lorsque les animaux
sélectionnés sont transférés dans un environnement plus pauvre, ceux ayant développé un haut
potentiel d’acquisition ont un coût d’entretien élevé qui pénalise leur chance de survie.
Finalement, l’intégration réussie des éléments requis dans cette approche permettra ensuite d’envisager de façon plus complète l’adéquation entre les animaux sélectionnés et la conduite du
troupeau en tenant compte non-seulement des différences génétiques mais aussi de la variabilité de la
ressource dans l’environnement de production et des pratiques de reproduction.