Ce numéro 01, dont le thème du dossier (« Quelles sciences du design ? ») s'est naturellement imposé à partir du nom de la revue, considéré comme une problématique en soi. Que recouvre l'idée d'une science du design ? Quels problèmes pose-t-elle ? Que peuvent être les sciences du design ? Quel est leur objet ? Quelles en sont les limites ? comment penser la nature et les formes de la recherche en design ? telles sont les principales questions auxquelles ont été invités à répondre les quinze auteurs que nous avons réunis dans ce numéro, qu'ils soient praticiens, théoriciens, enseignants, chercheurs, doctorants, jeunes docteurs. Pour Yves Michaud, qui ouvre le dossier, l'idée d'une science du design peut s'entendre en trois sens, avec pour conséquence que le design y perd à chaque fois quelque chose. Mais la pratique du design n'est pas la re- cherche en design et vouloir rendre scientifique la pratique du design n’est pas la même chose que considérer le champ du design comme une discipline scientifique, ainsi que nous y invite Stéphane Vial, qui subsume sous le terme « sciences du design » l'ensemble des théories, des pratiques et des méthodes qui permettent de constituer un savoir en design. Le débat sur la nature et les formes de la recherche en design se structure ensuite autour du choix entre deux modèles « épistémo- méthodologiques » : le premier, celui de la « recherche-création », est défendu avec ardeur par Lysianne Léchot hirt ; le second, celui de la « recherche-projet », est celui dont Alain Findeli est l'inlassable promoteur. D'après le premier modèle, la conception d'artefacts peut légitimement constituer la finalité de la recherche en design, tandis que, d'après le second, la « question de recherche » est irréductible à la « question de design ». La question méthodologique prend cependant un relief différent lorsqu'elle est abordée par des doctorants et des jeunes docteurs qui tentent, comme Émeline Brulé et Anthony Masure, de déconstruire et déplacer les normes et les formes de la thèse, traditionnellement réduite à un texte formaté en A4, ou qui essayent, comme Robin de Mourat, Ioana Ocnarescu, Anne-Lyse renon et Marine Royer, de valoriser une diversité d'approches méthodologiques spécifiques permettant, en-dehors des modèles établis, de convoquer des pratiques de design à l’intérieur d'une recherche. Au-delà des problèmes de méthodologie, c'est toute la complexité épistémologique des sciences du design qui se fait jour, car les porosités entre les disciplines convoquées y sont nombreuses et multiformes. c'est ce que montre Jocelyne le Bœuf à propos de la recherche historique en design, partagée entre l'histoire des arts,de l'architecture, de la culture technique et des cultures matérielles et immatérielles, aux confins de l'histoire et des sciences humaines et sociales. c'est ce qui apparaît également dans l'article de nicolas nova, Lysianne Léchot hirt, Fabienne Kilchör et Sébastien Fasel, qui explorent les manières dont les designers se réapproprient l’ap- proche ethnographique. et c'est ce qui se dégage de l'étude d'Annie Gentes, qui montre, au-delà des sciences sociales aujourd'hui considérées comme un prérequis dans le design, comment les designers se nourrissent égale- ment des sciences humaines (en tant que ces dernières sont distinguées des sciences sociales), ce qui lui permet d'envisager le design comme une « interdiscipline » au sein des « sciences de la conception ». Finalement, le sens qu'il faut donner aux « sciences du design » apparaît comme une problématique de recherche qui appelle encore de nombreux développements. Les textes réunis dans ce numéro 01 ouvrent le débat et lancent la discussion. celle-ci doit se poursuivre et permettre d'approfondir la confrontation des modèles et des approches, dans le respect de la « biodiversité » intellectuelle de notre communauté. Les chercheurs qui souhaitent répondre ou réagir aux textes de ce numéro 01 sont donc invités à soumettre à la rédaction un article qui pourra, après avis du comité de lecture, être publié dans un prochain numéro, par exemple dans le Supplément.