L’observation d’une leçon conduite par un expert, quel que soit le contexte d’intervention, donne à percevoir une organisation interne, marquée par la fluidité de son déroulement et l’impression d’aisance que dégage le professeur. Tout laisse penser de prime abord qu’il s’agit « d’une bonne classe ». Mais, un regard aiguisé sur les interactions enseignant-élèves montrent que celles-ci imbriquent de façon complexe diverses ressources investies par les acteurs, des mobiles d’agir qui varient à chaque instant de la leçon, des manières différentes, pour les élèves, de s’engager dans les situations proposées et de s’approprier les consignes, etc. Dès lors, l’apparente facilité avec laquelle le professeur obtient la coopération entre les élèves et s’accorde avec eux, ne peut être attribuée hâtivement à la faveur d’un public acquis a priori mais plutôt à l’habileté avec laquelle la leçon est pensée, mise en œuvre, orchestrée, régulée dans un contexte singulier. Habileté, savoir-faire, technique, attitude, doigté, autant de termes pour désigner et tenter de cerner les gestes professionnels mobilisées par un enseignant expert dans le déroulement de la leçon. De ce point de vue, faire apprendre en danse repose sur la mise en œuvre de modalités particulières d’intervention pour engager les élèves dans la création de leur propre gestuelle dansée, présentée à l’appréciation d’autrui. La difficulté que génèrent l’expression et l’exposition, par le danseur, de sa sensibilité impose dès lors des conditions de travail collectif construites avec tact et gérées avec subtilité. L’enjeu de cet article est de tenter de dévoiler, à partir d’une étude de cas conduite dans le cadre de l’action située, les gestes professionnels à travers lesquels s’exprime l’expertise d’un professeur enseignant la danse contemporaine ainsi que les fondements sur lesquels s’étaye la manifestation visible de ses interventions en situation d’enseignement.