Depuis 2006, plus de 250 collèges regroupant les élèves les plus en difficulté sont à la tête de l’Éducation Prioritaire en France. Ces élèves ont une forte tendance à décrocher des tâches scolaires proposées par les enseignants, pouvant aller jusqu’à un décrochage scolaire total. En Education physique et sportive (EPS), le temps de pratique physique des élèves est très faible est de moins de 15 minutes pour une séance de deux heures (Vors, Gal-Petitfaux & Cizeron, 2010). Cette recherche étudie comment certains enseignants d’Éducation Physique et Sportive (EPS) réussissent à maintenir les élèves engagés dans l’activité physique, sans décrochage durable. Le cadre théorique retenu est celui de « l’action située » au moyen duquel est étudiée l’activité in situ, dans la classe (Lave & Wenger, 1991). L’analyse est conduite dans deux collèges en Réseaux d’Ambition Réussite (RAR) auprès de quatre enseignants d’EPS « réussissants » (Chauveau, 2001) et d’ élèves de 12 à 16 ans travaillant dans un dispositif de travail par ateliers en gymnastique. Le recueil de données s’est fait à l’aide d’enregistrements audio-visuels de huit séances d’EPS, enregistrements suivis par des entretiens d’autoconfrontation avec les enseignants. Le traitement des données a porté sur une catégorisation de l’activité physique des élèves à l’aide de l’ALT-PE (Siedentop, Tousignant & Parker, 1982) et sur l’identification de récurrences dans l’activité des enseignants pouvant expliquer comment ils parvenaient à maintenir les élèves engagés de travail. Les résultats montrent que l’activité de l’enseignant reflète une forme typique de management : a) les élèves ont un taux de pratique assez important. L’enseignant b) tolère certaines activités déviantes (errance et jeu) des élèves, tant que ceux-ci restent en activité, c) tout en contrôlant et estimant en continu la viabilité ou non de l’engagement de la classe au travail et du seuil de déviance acceptable ; d) et en accordant une relative autonomie aux élèves dans leur pratique afin qu’ils apprennent à se gérer eux-mêmes. Bien que contre intuitifs, ces résultats montrent que les déviances et le travail sont à considérer de manière systémique dans une relation de complémentarité et non d’opposition. La grande difficulté est de trouver les bonnes proportions dans cet équilibre fragile.