On peine aujourd'hui quelque peu à se figurer que Swinburne eut en son temps un succès de scandale. La déchristianisation des sociétés occidentales et la libéralisation des mœurs ayant fait leurs œuvres, ce poète qui fut l'un des pionniers de leur phase terminale, paraît désormais un peu suranné. Pourtant, la réception critique des Poems & Ballads de la première série, en 1866, si elle fut d'une négativité hostile très attendue chez les défenseurs de la morale bourgeoise, n'était pas non plus dépourvue d'une consternation de bon aloi chez ceux-là même qui lui étaient les plus favorables. Ceux qui le condamnaient sans appel retenaient essentiellement contre Swinburne deux chefs d'accusation : l'érotisme latent ou manifeste de ses vers, et les blasphèmes récurrents de son discours.