En élevage bovin laitier, les mammites représentent une des principales causes de pertes économiques. Ces inflammations de la glande mammaire sont très souvent d’origine infectieuse. Les stratégies de prévention, basées en particulier sur l’usage de vaccins, ne montrent aujourd’hui qu’une efficacité limitée. Les traitements actuels reposent essentiellement sur l’antibiothérapie. La consommation d’antibiotiques pour les maladies bovines représentent ~200 tonnes/an, les mammites étant la première cause de cette consommation chez les bovins laitiers. Si cet usage massif d’antibiotiques ne se montre pas toujours efficace pour traiter les mammites, il contribue de manière certaine à l’augmentation du risque de dissémination de l’antibiorésistance. Cette menace latente, associée à une demande croissante de la société pour une agriculture plus durable, invite à rationaliser l’usage des antibiotiques et à promouvoir les approches alternatives (plan national EcoAntibio 2017). Les approches écosystémiques, consistant à prendre en compte le microbiote dans l’interaction hôte/pathogène, apparaissent en ce sens comme une piste intéressante. En effet, dans différents écosystèmes (intestinal, vaginal), notamment chez l’homme, le microbiote joue en effet un rôle important sur la « santé de l’organe ». Dans cette étude, nous nous sommes intéressés au microbiote associé au canal et à la citerne du trayon, l’hypothèse étant que ce microbiote est susceptible d’exercer un rôle barrière vis-à-vis de l’entrée des pathogènes. Nous avons exploré la composition de ce microbiote en lien avec la susceptibilité de l’animal aux mammites. D’autre part, nous nous sommes interrogés sur l’existence d’un microbiote plus en amont dans la glande mammaire (citerne). L’exploration du microbiote du trayon a été réalisée à partir de prélèvements de lait de premier jet et d’écouvillonnage du canal du trayon sur des prim’holtein de l’installation expérimentale de l’UMR PEGASE. Les échantillons retenus correspondaient à des quartiers ne montrant aucun signe d’inflammation au moment du prélèvement (comptage de cellules somatiques (CCS) moyen de 23000 cellules/ml). Les échantillons ont été classés en fonction i) de l’historique de l’animal (occurrence des mammites sur toutes les lactations), ii) de l’historique du quartier (occurrence des mammites sur toutes les lactations), iii) du statut microbiologique du quartier. L’exploration du microbiote citernal a été réalisée sur le même troupeau à partir de prélèvements transparenchymateux, de manière à exclure toute contamination des prélèvements de lait citernal (comme lors du passage dans le trayon). Les quartiers prélevés ont été classés en fonction de leur statut sanitaire : quartiers sains (aucune mammite et CCS faible sur toutes les lactations) ; quartiers infectés (mammite subclinique en cours). Trente-et-un échantillons correspondant aux trayons et dix échantillons transparenchymateux ont été analysés par pyroséquençage de l’ADNr 16S, permettant d’établir leur phylobiome. Les résultats révèlent que les phylobiomes des trayons sont quartiers-dépendants et varient en fonction de la susceptibilité aux mammites de ces quartiers. Ces travaux suggèrent qu’une dysbiose du microbiote du trayon pourrait favoriser l’émergence d’infections. Les prélèvements de lait par voie transparenchymateuse révèlent la présence d’un phylobiome associé au lait citernal, différent du phylobiome du trayon correspondant, suggérant l’existence d’un microbiote au niveau de la citerne. Ces travaux remettent en cause, dans une certaine mesure, le dogme actuel de stérilité du lait citernal, et nous invitent à nous interroger sur l’origine et le rôle de ce microbiote. Ces travaux ont été financés dans le cadre du métaprogramme MEM, Projet Milk Ecosystem and Udder Health, et seront exploités plus avant dans le cadre du métaprogramme GISA, Projet RUMINFLAME.