Au cours des dernières décennies, la récurrence des années de sécheresse au Sahel et la détérioration de certains milieux sahéliens ont fortement marqué les esprits et entrainé une réelle prise de conscience des processus de dégradation dans cette zone écoclimatique sensible. Globalement traité sous le vocable de « désertification » ces processus sont imputés à des causes à la fois anthropiques - qui vont de la démographie aux systèmes socio-économiques, dont les pratiques agro-pastorales – et à des causes naturelles, généralement des variations climatiques. Selon l’origine des acteurs (populations ou notables locaux, experts et scientifiques, administration ou organisations internationales, associations…) l’accent est mis sur l’un ou l’autre de ses deux volets. Nous nous intéresserons ici tout spécialement aux constats d’experts qui désignent une aggravation de la sécheresse comme responsable de graves déséquilibres dans la bande soudano-sahélienne, depuis les années 1970. Corroborée par des analyses des chroniques pluviométriques et hydrologiques cette évolution semble effectivement trancher avec une période antérieure « faste », désignée comme plus humide. Le haut niveau d’intégration de ces discours par de nombreux acteurs de terrains, tant locaux (des élites aux paysans) qu’extérieurs (experts ou cadres nationaux et internationaux), est particulièrement remarquable. Cela peut être un atout pour un certain nombre d’actions d’aménagement et de gestion des ressources mais conduit aussi à une légitimation de nouvelles valeurs environnementales et de nouvelles formes de rapports entre acteurs et groupes sociaux, qu’elles justifient. L’analyse critique de ce leitmotiv du discours d’expert sur la sécheresse sahélienne permet de l’inscrire dans une logique plus anciennement enracinée où l’assèchement de l’Afrique est régulièrement invoqué depuis début du 20ième siècle, voire avant. En nous appuyant sur des exemples concrets du Sud-ouest mauritanien, nous proposons d’analyser les décalages pouvant exister entre les discours et la réalité constatée, ou vécue par les populations. Cette mise en perspective historique peut éclairer d’un nouveau regard les nombreux enjeux sous-jacents à la maîtrise des ressources en eau et la gestion conservatoire des milieux qui leur sont liés.