Cet article présente une analyse historique de l'évolution des licences libres qui visent à maximiser à la fois la liberté des auteurs et des utilisateurs (parfois au prix d'imposer des restrictions tel que la clause copyleft), vers des licences moins libres (dites ouvertes) qui visent à offrir une plus grande liberté de choix aux auteurs. Internet et les technologies numériques ont bouleversé les modalités de production et de consommation de l'information, qui peut être désormais produite, reproduite, partagée et redistribuée extrêmement facilement, rapidement et aux moindres coûts. De consommateurs passifs d'informations, les utilisateurs deviennent alors des producteurs actifs de contenus. Le mouvement du logiciel libre apparaît dès lors que les utilisateurs prennent conscience du fait que le droit d'auteur représente une contrainte à la créativité et à la liberté des auteurs/utilisateurs qui ont un intérêt à développer ou enrichir des logiciels préexistants. Avec l'arrivée de nouveaux dispositifs qui facilitent la production de contenus numériques et l'accès d'un public plus nombreux et divers à Internet, le mouvement du libre s'étend aux contenus littéraires, musicaux, audiovisuels, ou multimédia avec le développement de licences libres pour les œuvres de l'esprit autres que les logiciels. Au cours des années, le nombre de licences se multiplie, avec l'apparition de licences qui imposent des restrictions nouvelles aux utilisateurs, notamment en ce qui concerne la création d'œuvres dérivées et les modalités de réutilisation. Cela est dû aux besoins émergeant des auteurs extérieurs aux communautés initiales du Libre, qui sont réticents à mettre à disposition leurs œuvres sur Internet sans conserver un certain degré de contrôle sur la réutilisation de ces œuvres. Bien qu'elles permettent toutes la reproduction et le partage des œuvres de l'esprit, une distinction émerge entre les licences libres, qui n'imposent aucune restriction autre que la clause copyleft, et les licences ouvertes, qui permettent aux auteurs de choisir plus précisément les conditions d'exploitation de leur oeuvre. De nouvelles difficultés émergent face à la multiplication des licences (en termes de lisibilité, incompatibilité etc), ce qui a conduit à l'introduction des licences Creative Commons : elles offrent aux auteurs un choix dans les modalités de diffusion de leurs oeuvres - six licences, certaines libres, d'autres ouvertes - tout en proposant tant aux auteurs qu'aux utilisateurs un dispositif juridique compréhensible et un dispositif technique accessible (logos et metadonnées). Nous soutenons que ces deux types de licences, libres et ouvertes, ne sont donc pas en conflit, mais sont au contraire complémentaires et souvent utilisées pour des œuvres de nature différentes ou par des auteurs aux finalités différentes. Alors que les licences libres sont plus adaptées pour des projets collaboratifs où la distinction auteur-utilisateur s'estompe, les licences ouvertes sont utilisées lorsque l'auteur maintient un lien fort avec l'oeuvre ou lorsque la nature non-utilitaire de l'œuvre justifie des restrictions sur la modification ou la réutilisation. Toutes deux contribuent à l'expansion de la culture libre dans la société, au mouvement mondial en faveur de la libre circulation des oeuvres et à l'augmentation des biens communs informationnels.