"Que des bouts de l'enfer", l'ébranlement des partages symboliques dans le théâtre de Bernard-Marie Koltès
Résumé
Le théâtre de Koltès comporte une radicale mise en question des fondements de l'ordre judéo-chrétien. La scène est là pour en montrer l'inanité. Il se veut un coup porté à la conscience occidentale, son arrogance, qui ne reposent que sur du sable et dont il montre en conséquence, le retour au désert. Il récuse l'idée même de fondation. Il n'y a pas de socle stable, c'est-à-dire d'ancrage symbolique, familial et social. Toute base apparente branle. Dans ce monde à la dérive, le sujet ne peut que divaguer. Il apparaît comme un homme de nulle part, à la quête incertaine, proie de ses contradictions et de sa peine. Il traverse son existence comme un parcours solitaire, absurde et désolé. Au rebours de toute idée de progrès, ce qui rythme la vie, c'est ce qui la défait. Ce théâtre rappelle donc qu'il n'y a pas de demeure pour l'homme. Il habite ce monde en étranger de passage, en occupant temporaire de lieux fragiles. Ces espaces ouverts qui sont des intervalles, des entre-deux, montrent qu'à l'idée d'enracinement s'oppose celle de traversée. Entre coulisses et fosse, la scène figure ce pont entre deux anéantissements. Prenant acte de " l'oubli de l'être " c'est-à-dire du fait qu'il n'y a pas de place pour l'homme dans ce monde-ci, Koltès lui attribue non un abri mais au moins un lieu provisoire où il peut faire entendre sa présence comme vulnérabilité et questionnement.