Pendant longtemps, le monopole de la cartographie et de l'utilisation des cartes était réservé à des professionnels initiés. Aujourd'hui, le développement et la diffusion des logiciels de cartographie automatique et des systèmes d'information géographique ont permis à la fois de rendre accessible à tous la production de cartes, mais ont aussi souvent restreint les utilisateurs de ce type de logiciels à être de simples exécutants. Ces cartographes néophytes ne maîtrisent pas les règles de la sémiologie graphique, ce qui explique la multiplicité des cartes inefficaces dans les archives. Ainsi s'impose la nécessité de réfléchir en amont et de déconstruire l'image cartographique pour obtenir un résultat pertinent. Les cartes s'inscrivent dans un schéma de communication dont la construction et la lecture du message qu'elles délivrent sont subjectives. L'automatisation de la cartographie et sa diffusion ont encouragé la multiplication des documents cartographiques pour illustrer, démontrer mais aussi pour manipuler. La manipulation des cartes, conçues comme une représentation de la réalité, est fréquente dans de multiples domaines et contextes. Nous développerons à ce propos deux exemples illustrant ce que Brian Harley appelle " les silences des cartes ". Comment, à travers eux, les décideurs politiques utilisent la carte comme un instrument de propagande ou une force de proposition. De même, nous montrerons en quoi la carte est un outil privilégié de la communication tant dans le domaine économique que territorial. En confrontant les cartes réalisées par des non-spécialistes et les cartes publiées par des géographes, nous observerons comment à partir d'une même idée de départ on peut obtenir deux représentations de la réalité totalement différentes voire contradictoires. Par ailleurs, la presse et Internet livrent quotidiennement des cartes pour sensibiliser la population aux questions de société (risques environnementaux et sanitaires, conflits géopolitiques, etc.). La carte reste un outil favorisant le jeu de la désinformation volontaire de la part du commanditaire et/ou du producteur de celle-ci. Pour autant, il convient de montrer que ces cartes sont parfois abusivement alarmistes ou a contrario optimistes dans le but de faire passer un message et d'interpeller le lecteur. L'information originelle est souvent détournée pour être orientée vers un discours partisan que la carte peut véhiculer de part son côté synthétique et visuel. La carte ment, trompe, déforme, parfois au détriment de ses utilisateurs. La carte comme discours a donc une portée appréciative, évaluative, persuasive et/ou rhétorique. Le contexte de production de la carte joue à cet effet un rôle essentiel. Dans la première partie, on verra en quoi la carte peut être un outil de décision et de représentation politique. La deuxième partie quant à elle montre que la carte est un discours porté sur des réalités de terrain et qu'à ce titre, comme tout discours, elle peut être manipulée de manière consciente ou inconsciente.