" La vogue primitiviste conquiert, d'une manière ou d'une autre, tous les mouvements d'avant-garde " affirme Adrian Marino dans sa contribution à l'importante synthèse Les Avant-gardes littéraires au XXe siècle (Jean Weisgerber dir., 1984). Cet article se propose, en se concentrant sur la recherche poétique, d'envisager les différentes facettes (intérêt pour "l'art nègre", les arts populaires, les productions enfantines, l'expression de l'inconscient, etc.) et les enjeux (mise en cause de l'industrialisation, du rationalisme, du naturalisme, etc.) de cette démarche qui, avant d'être une mode, a accompagné le travail de renouvellement artistique jusqu'à ses manifestations les plus radicales. Après un liminaire qui précise la compréhension du terme et rappelle le contexte scientifique et artistique, l'article s'intéresse essentiellement au primitivisme comme approche du langage : entre réflexion mythique sur une langue originelle et recherche de l'élémentaire de la langue, entre poésie "pure" et "expression", la poésie primitiviste invente de nouveaux rythmes et intègre le corps, pour fonder de nouveaux langages. À la fois inspiration, procédé et posture, le primitivisme devient un des attributs des avant-gardes historiques, renouvellement tellement radical qu'il les situe elles-mêmes comme "primitives". Les notes sont denses, dans l'espoir de servir de base de travail à des recherches ultérieures. On trouvera une bibliographie à la fin de l'article.