A partir d'analyses de cas, cet article soutient trois thèses successsives et articulées au sujet de certaines tendances actuelles en modélisation intégrative : 1) Ce que nous proposons d'appeler du terme générique de pluriformalisation se substitue souvent à une modélisation monoformalisée (c'est-à-dire élaborée en usant d'un seul langage formel : géométrie, analyse, topologie, lois de probabilité, théorie des graphes, ...) et tend à devenir une phase courante, si ce n'est nécessaire, du processus plus général de modélisation des sytèmes complexes. 2) Cette pratique croissante de la pluriformalisation s'accompagne d'un passage de ce qu'on appelait les " méthodes des modèles " à un ensemble de pratiques de simulation informatique à tendance intégrative. 3) À la différence de la traditionnelle simulation numérique conçue comme calcul de modèle, la simulation informatique pluriformalisée inverse les instrumentalisations traditionnelles entre mathématiques et informatique. Elle donne en effet un rôle d'abord local et ancillaire aux mathématiques et aux construits logiques et algorithmiques associés (équations itératives, automates formels, grammaires génératives, etc.) co-implémentables (c'est-à-dire mutiples et codables de manière conjointe dans le programme informatique). Et c'est seulement par la suite, une fois construite, stabilisée et éventuellement calibrée, que la simulation intégrative peut servir de terrain d'enquête, cela pour une phase de remathématisation où des modèles mathématiques aux syntaxes renouvelées peuvent reprendre la main sur les simulations, sur le papier puis dans les programmes (qui s'en trouvent dès lors simplifiés).