Dans les années 1930, Bertold Brecht invente un nouveau théâtre qui modifie particulièrement le jeu de l'acteur. Voulant d'abord créer un effet de distanciation, l'acteur ne doit plus rentrer dans la peau de son personnage mais rappeler sans cesse au public son caractère construit. Cette différenciation entre le comédien et son rôle sur scène propose aux dramaturges suivants une réflexion théâtrale axée sur le statut du personnage comme sujet psychologique et le caractère artificiel de celui-ci. Héritière de la tradition brechtienne, Elfriede Jelinek met au centre de sa dramaturgie une déconstruction du mythe moderne de l'individu comme produit idéologique, qui passe par l'élaboration d'un langage à la théâtralité singulière. A partir de 1989, elle radicalise sa réflexion en écrivant un théâtre basé sur un « flot musical de voix et contre-voix » dont le flou identitaire remet en cause la notion de sujet dans notre contexte postmoderne. La dissolution du personnage en une logorrhée chorique dévoile une imitation critique du mythe postmoderne de la personne tel que l'imposent les diktats du XXIème siècle. Dans les trois pièces Les Adieux (2000), Jackie (2002) et Bambiland (2005), Elfriede Jelinek donne une analyse fragmentée de la postmodernité et de la structure du sujet que celle-ci induit. Entre présence et absence, la disparition du personnage dramatique signifie-t-elle la dissolution du sujet et ainsi, comme l'annonce le philosophe de la postmodernité Francis Fukuyama, « la fin de l'homme »?