Omniprésente par nature dans un système de représentations qui élève l'obéissance au rang de vœu solennel, la question hiérarchique, objet de (re-)discussions périodiques, se pose de façon particulièrement aigue à l'époque moderne dans ces maisons au statut ambigu que sont les abbayes d'obédience de l'ordre de Cluny, confiées à l'ecclesia cluniacensis au Moyen Âge pour être réformées mais farouchement attachées à leur indépendance et trop puissantes pour être réduites à l'état de prieurés. Dans un petit nombre de cas, le chef-d'ordre, renonçant jusqu'à la pratique des visites, en était venu à se contenter d'une tutelle purement formelle sur des communautés dont les supérieurs boudaient l'institution du chapitre général. La grande mise en ordre du monde des cloîtres de l'époque moderne change la donne, imposant tôt ou tard l'abandon d'un modèle local parfois millénaire au profit d'un modèle clunisien abhorré. Douloureux pour des maisons que leur statut d'exception rend plus sensible que d'autres à la question d'autorité, ce grand chambardement hiérarchique, entre évaporation de la figure abbatiale – accélérée par la généralisation de la commende – et intégration aux structures clunisiennes de gouvernement, trouve dans l'institution-charnière du prieur, seule figure commune et consensuelle d'autorité, un vecteur de changement sans refuser toute forme de continuité.