Les tableaux épidémiologiques et la recherche en santé publique nous apprennent que l'état de santé et la mortalité diffèrent de manière significative selon les milieux sociaux. Dans un pays comme la France, l'espérance de vie peut ainsi varier de plusieurs années selon les revenus, le niveau d'éducation ou la catégorie socioprofessionnelle des individus ; de même, les taux de morbidité varient fortement selon l'appartenance à une classe sociale donnée. La décision publique ne prend pourtant pas nécessairement en compte cette donnée dans l'élaboration des politiques de santé. Des pays comme la Grande-Bretagne ou la Suède ont ainsi développé des programmes d'action publique spécifiquement destinés à lutter contre les inégalités de santé, alors que d'autres comme la France n'accordent qu'une importance résiduelle à ce phénomène pourtant amplement documenté. Comment expliquer, dès lors, ce hiatus qui apparaît de manière saillante dans l'histoire récente de la santé publique ? Une manière d'appréhender ce problème consiste à traiter les inégalités de santé comme un problème de recherche ayant vocation, dans certaines circonstances, à devenir un problème politique. Cette conversion est alors déterminée par des facteurs historiques, institutionnels et juridiques que cet article se propose de retracer brièvement à travers une analyse comparée des cas français et anglais dans la période récente.