La transformation des aliments en bouche et la libération de molécules aromatiques et sapides entraînent des changements temporels dans la perception sensorielle des dégustateurs. Cette dynamique est étudiée depuis longtemps à l'aide de méthodes d'analyse sensorielle temporelle, qui ont été initialement développées avec des panels entraînés. Ces dernières années, le passage de mesures quantitatives à qualitatives a rendu ces méthodes utilisables par des consommateurs. Bien que cette évolution soit souhaitable pour rendre les mesures plus écologiques, elle a probablement été davantage motivée par des intérêts pratiques que par des considérations scientifiques.Une revue systématique de la littérature a mis en évidence que malgré 30 ans de recherche, il n'y a toujours pas de recommandation claire sur l'application des méthodes d'évaluation sensorielle temporelle avec des consommateurs, et on ne sait pas dans quelle mesure les détails de leur implémentation peuvent avoir un impact sur les résultats. Il était donc légitime de se poser la question « dans quelle mesure les méthodes rapides d'évaluation sensorielle sont-elles appropriées pour mesurer la perception temporelle de consommateurs ? ».Les résultats obtenus avec des méthodes collectant les données pendant la dégustation ont été comparés à ceux obtenus avec une nouvelle méthode recueillant les données rétrospectivement à la dégustation résumant la perception en trois périodes. Différentes variantes de cette méthode ont été implémentées afin d’évaluer plusieurs catégories de produits, en faisant varier le concept mesuré (dominance ou applicabilité), le mode d'acquisition des données (liste d'attributs ou commentaires libres), et l'environnement de collecte (laboratoire ou domicile). Aucune perte majeure d'information temporelle n'a été observée avec les mesures rétrospectives, et ces dernières ont permis de discriminer les produits aussi bien que les méthodes simultanées tout en simplifiant la collecte et l'analyse des données, ce qui questionne sur la granularité des mesures temporelles.Les performances (validité, fiabilité, résolution temporelle et capacité à discriminer les produits) des différentes méthodes ont donc été comparées afin de mieux comprendre la nature des différences de mesures observées. À partir de données d’évaluations de stimuli temporels contrôlés (délivrés avec un gustomètre), il a été montré que les méthodes simultanées peuvent être utilisées avec des consommateurs pour enregistrer des séquences de perception pertinentes. Avec des aliments complexes, ces méthodes n'ont pas été en mesure de détecter systématiquement des différences temporelles subtiles entre produits, la discrimination étant principalement liée à la présence/absence d'attributs sensoriels (indépendamment de la dimension temporelle des données).Ces résultats suggèrent qu'il est possible de mesurer la perception temporelle des consommateurs à l'aide de méthodes rapides, mais qu'il ne faut pas attendre plus de ces dernières que ce qu'elles peuvent mesurer compte tenu de la complexité du phénomène étudié. Ces nouvelles connaissances pourront aider à la fois les industriels (pour obtenir des informations sur leurs produits) et les chercheurs (pour comprendre les mécanismes de la perception temporelle) à choisir la méthode la plus appropriée, à l’implémenter efficacement, et enfin à analyser les données de telle manière à pouvoir en tirer des conclusions valides.Ce travail a également mis en évidence la difficulté de généraliser des conclusions sur la base de quelques études uniquement. A l'avenir, des méta-analyses réalisées sur des bases de données pourraient permettre d'affiner les conclusions obtenues. Ainsi, nous avons essayé d'initier le processus en rendant publics tous les jeux de données collectés et en proposant un modèle de données accompagné de lignes directrices permettant de mieux communiquer les résultats de la recherche impliquant des méthodes d’analyse sensorielle.