Cette étude examine la reconstruction de la figure d'auteur de Jean Giono après la Seconde Guerre mondiale, en évaluant ses fondements littéraires et historiques. Écrivain célèbre et reconnu depuis la fin des années 1920, Giono se retrouve au sortir de la guerre dans une situation d'ostracisme : inscrit sur la « liste noire » des auteurs accusés de collaboration, démodé à l'heure de l'existentialisme, Giono doit, à l'âge de cinquante ans, repartir de zéro. Les épreuves de la guerre et de la prison, l'échec de son combat pour la paix et les « vraies richesses », ont en outre fortement ébranlé ses conceptions de la littérature comme de la nature humaine. Cette crise conduit Giono à engager une profonde réinvention de sa figure d'auteur, dans une quête identitaire inséparable d'une entreprise de reconquête. Notre travail interroge les processus et les enjeux de cette reconstruction, qui est portée par l'écrivain lui-même, à travers la refonte de son oeuvre et de sa posture, mais aussi par le public, témoin et sujet actif de cette « renaissance ». Après la guerre, Giono reconfigure son être-auteur par rapport à son propre modèle auctorial d'avant-guerre, mais aussi en relation avec les forces nouvelles qui dominent alors le champ littéraire : celles issues de la Résistance, qui promeuvent le modèle de l'écrivain engagé ; celles des avant-gardes formalistes, qui cherchent à inventer un « Nouveau Roman ». À travers le cas de Giono, il s'agit ainsi de mettre au jour la façon dont se fait, se défait et se refait un auteur, dans une interaction constante avec les réactions du public et les évolutions d'un champ littéraire lui-même traversé par les mouvements de l'Histoire.