La forêt tropicale abrite aujourd'hui 87% des espèces aviaires connues dans le monde. Or, cet écosystème particulièrement riche de par la diversité de ses biocénoses, est exposée à différentes menaces (déforestation, introduction d’espèces exotiques envahissantes, pollution, surexploitation des espèces, chasse intensive ou encore changement climatique), toutes liées à l’augmentation exponentielle des activités humaines. Ce phénomène touche directement la Caraïbe insulaire, 3ème foyer (hotspot) de biodiversité mondiale, où l'avifaune forestière compte plusieurs espèces endémiques menacées ou éteintes. Dans ce contexte, les espèces aviaires tropicales insulaires se nourrissant au sol méritent une attention particulière car, bien qu'elles jouent un rôle fondamental dans la dynamique de l’écosystème forestier, très peu de données écologiques fiables sont disponibles pour pouvoir assurer leur conservation, ainsi que leur régulation notamment en lien avec la chasse. La présente étude visait donc à apporter des éléments scientifiques à la fois fiables et novateurs sur l’écologie de trois espèces de colombidés, la Colombe rouviolette Geotrygon montana (statut « préoccupation mineure », avec une population signalée en déclin), la Colombe à croissants Geotrygon mystacea (statut « préoccupation mineure », endémique de la Caraïbe, avec une population signalée en déclin) et la Tourterelle à queue carrée Zenaida aurita (statut « préoccupation mineure », endémique de la Caraïbe), et d'une espèce de turdidé, la Grive à pieds jaunes Turdus lherminieri (statut « quasi menacée », endémique de Dominique, Montserrat, Sainte-Lucie et Guadeloupe).Dans un premier temps, via le piégeage photographique, nous nous sommes intéressés à l’influence des facteurs biotiques et abiotiques sur la répartition et l’abondance des espèces cibles, dans les forêts de Guadeloupe. Nos résultats ont montré que la Colombe à croissants et la Grive à pieds jaunes affectionnaient la forêt tropicale ombrophile, inversement à la Tourterelle à queue carrée, inféodée aux forêts tropicales sèches et marécageuses. Les effectifs particulièrement faibles observés de la Colombe rouviolette n’ont toutefois pas permis d’étudier de façon concluante l’influence des facteurs sur sa répartition. Alors que l’abondance de la Grive à pieds jaunes était négativement corrélée à l’ouverture de la canopée, celle de la Tourterelle à queue carrée l’était positivement. Nos résultats démontrent aussi que l’abondance de la Colombe à croissants et celle de la Grive à pieds jaunes diminuent avec l’augmentation de la température. Ce résultat est important, compte tenu des prévisions actuelles sur l'évolution du réchauffement climatique. Enfin, nous avons pu observer que la répartition spatiale de différents prédateurs potentiels, en particulier les chats domestiques, Felis catus, et la petite mangouste indienne, Urva auropunctata, était positivement corrélée à celles de la Colombe à croissants, de la Tourterelle à queue carrée et de la Grive à pieds jaunes. Sur la base de l'ensemble de ces résultats, et notamment de l’impact potentiel de ces espèces exotiques envahissantes sur les populations aviaires insulaires, nous recommandons un suivi plus régulier de ces espèces aviaires en Guadeloupe. Dans un second temps, nous avons accordé une attention particulière à l’influence des caractéristiques de la litière sur l’abondance de la Grive à pieds jaunes, de la Colombe à croissants et de la Tourterelle à queue carrée. Nos résultats ont révélé que l’abondance de la Grive à pieds jaunes, principalement insectivore, covariait positivement avec la biomasse d'invertébrés. En revanche, les caractéristiques mesurées de la litière n’ont pas montré d’influence sur l’abondance de la Colombe à croissants ou de la Tourterelle à queue carrée.