Une personne n’ayant pas de connaissances particulières dans un domaine — i.e. un profane-néophyte — est-elle capable d’aider un spécialiste de ce domaine à produire de nouvelles connaissances ? Cette question trouve son origine dans le croisement de deux champs disciplinaires : l’étude des effets de la vulgarisation scientifique sur les chercheurs qui vulgarisent leur propre sujet d’études et les recherches sur les dispositifs de démocratie technique de type conférence de citoyens. De nombreuses traces tangibles de pertinence de la part du « grand public » et des citoyens « ordinaires », principalement sous forme de témoignages, laissent penser que la rencontre avec des profanes-néophytes peut constituer une ressource cognitive originale. Pour explorer cette question, nous étudions la relation entre le(s) spécialiste(s) d’un domaine et des non-spécialistes de ce domaine. La première modalité de recherche est une enquête qualitative auprès des acteurs du déploiement d’une filière hydrogène-énergie en Normandie (observations directes, entretiens et analyse de documents-clés). La seconde repose sur des dispositifs expérimentaux visant à confirmer ou infirmer l’idée que les profanes-néophytes peuvent être des acteurs de la réflexion aux côtés des spécialistes, dans deux contextes réputés pour leur complexité : la recherche scientifique (réunions de laboratoire intégrant des profanes-néophytes) et l’implantation d’une nouvelle technologie dans un territoire (réunions interdisciplinaires pour le projet d’un bateau-école électrique à hydrogène dans un lycée maritime). Ce travail montre qu’un profane-néophyte possède une capacité à penser libre de certains freins liés à la connaissance du sujet et qu’il est ainsi en mesure de donner de la mobilité au spécialiste par rapport à son sujet. Le facteur limitant est du côté du spécialiste dont la posture, en particulier l’humilité et l’ouverture à l’autre, joue un rôle déterminant.