L’Âge du Bronze est la période d’émergence des civilisations palatiales en Méditerranée orientale et notamment en Crète, à la fin du 3ème millénaire av. J.-C. Ce développement conduit à l’essor des activités artisanales de luxe parmi lesquelles la production de vases en pierre. L’Âge du Bronze est également caractérisé par le développement des contacts et échanges entre les différentes régions de Méditerranée orientale. Afin de reconstituer les techniques une méthode interdisciplinaire, associant les données issues des recherches archéologiques, ethnographiques, tribologique et d’archéologie expérimentale. Cette approche est également basée sur une observation à différentes échelles des traces de fabrication conservées à la surface des objets. Les études macroscopiques, réalisées sur le terrain, ont été effectuées à l’œil nu et à la loupe binoculaire, à faible grossissement. Ces observations sur la répartition et la densité des traces techniques ont permis de reconstituer le geste technique. D’autre part, l’observation de la superposition des stigmates a permis la restitution des différentes étapes de mise en forme. L’observation macroscopique des surfaces a été complétée par leur analyse microscopique. Nous avons ainsi obtenu des images tridimensionnelles des traces grâce à de mesures topographiques réalisées au Laboratoire de Tribologie et de Dynamique des Systèmes de l’École Centrale de Lyon. Puis l’usure des surfaces a été quantifiée, grâce à des paramètres spécifiques de caractérisation (méthode des ondelettes). Enfin, afin d’interpréter les stigmates techniques observés sur le matériel archéologique, une confrontation avec un référentiel expérimental de reconstitution des anciennes techniques a été réalisée. Un corpus de 305 vases de pierre minoens, dont la période fabrication allait du Bronze Ancien II au Bronze Récent III, a été analysé. Il a été complété par l’étude de plus d’une trentaine de vases du Bronze Moyen et Récent égyptiens et levantins (tombe royale de Qatna en Syrie). Ont également été inclus dans cette étude des outils en pierre et en métal mis en lien avec la production de vases de pierre, des vases en cours de fabrication, des déchets de fabrication, mais aussi, des figurines et des perles. Nous avons dans un premier temps dressé un état des connaissances sur ces industries en Méditerranée orientale, depuis le Néolithique jusqu’à la fin de l’Âge du Bronze (Chapitre 1). La méthode élaborée (décrite dans le Chapitre 2) a été appliquée sur le mobilier minoen de sites ayant livré des traces d’ateliers lapidaires, comme Malia (Quartier Mu et les abords nord-est du palais), Mochlos (Quartier d’artisans), Kommos et Pseira (Chapitre 3). Ce travail m’a permis de reconsidérer les identifications d’ateliers crétois, mais aussi de réévaluer l’organisation de la production, la notion de spécialisation technique et le statut socio-économique des artisans (Chapitre 4). Ainsi, grâce à un travail expérimental de terrain et en laboratoire, associé à une observation du mobilier archéologique à différentes échelles, nous avons pu restituer une partie des savoir-faire employés par les artisans crétois pour la fabrication de la vaisselle de pierre. Une koinè technique se dégage pour les différentes productions minoennes étudiées, ainsi qu’une standardisation de la production commune faisant apparaître des chaînes opératoires de forage différentes selon la forme souhaitée. Il est également apparu que l’adoption de certains procédés étrangers (forage tubulaire ou méthode d’évidement), ont été introduits à travers des contacts avec des artisans étrangers, certainement égyptiens. Si ces techniques nouvelles ont été sélectionnées puis adoptées, les artisans les ont rapidement intégrées à des chaînes opératoires locales, au profit de leur propre répertoire morphologique. Par ailleurs, la Crète a propagé des techniques locales vers d’autres centres égéens (le contient grec et les Cyclades) durant le 2ème millénaire.