Ce mémoire d’Habilitation à Diriger des Recherches est consacré à la question de l’articulation entre des engagements hétérogènes. Cette question organise la présentation de ma trajectoire de recherche dans le premier tome en trois temps : l’engagement dans le terrain, l’engagement au travail et l’engagement dans la cité. Le second tome propose un modèle théorique permettant d’analyser l’épreuve que constitue l’hétérogénéité des engagements. À cette fin, trois enquêtes ethnographiques sont convoquées successivement. Le premier terrain a été réalisé au sein de la rédaction d’un journal, le second porte sur l’activité d’ordonnancement dans une entreprise spécialisée dans les réseaux d’eaux potables et usées et le troisième est consacré à différents métiers dans une même grande entreprise de télécommunications. La première configuration de travail envisagée est marquée par l’existence d’un collectif de travail stable et soudé regroupé au sein d’un même espace mais dont les travailleur·se·s sont relativement autonomes dans la réalisation de leur activité. Dans la seconde, la division du travail est plus poussée dans la mesure où l’activité d’ordonnancement des travailleur·se·s enquêté·e·s est encapsulée dans un workflow avec en amont un centre d’appel et en aval des techniciens qui interviennent sur le terrain. Le dernier terrain abandonne l’optique du collectif de travail pour adopter celle d’une grande organisation, la question de la mise en forme des engagements étant dès lors posée sur des métiers, activités, lieux et collectifs différents. Le dernier chapitre formalise une proposition théorique qui permet de se saisir de ces différents niveaux à la fois et ouvre même aux engagements ne relevant pas du travail. Par le truchement du surgissement d’un événement communicationnel, ce modèle ambitionne de recenser les variables qui président à la mise en forme des engagements en les répartissant entre ce qui relève du déjà-là et de l’ici et maintenant. La mise en forme des engagements se déploie de diverses manières : par une adaptation – inopinée ou plus durable – de l’environnement, par un travail normatif, par des ajustements corporels. L’environnement dans sa matérialité, ses caractéristiques, son aménagement et son équipement met déjà largement en forme les engagements, mais la personne peut agir ici et maintenant sur son environnement afin d’adapter ou de reconfigurer cette mise en forme. De la même manière, les normes déjà-là cadrent nos engagements, notamment par leur traduction et inscription dans des dispositifs techniques et juridiques. Néanmoins, les valeurs et convenances, matrices de ces normes, se forgent également dans des événements maintes fois répétés ou singuliers quand ils viennent ébranler les façons de faire de par leur nouveauté ou leur radicalité. Enfin, les engagements et leur mise en forme se jouent également à un niveau corporel, en situation mais aussi dans les routines ou techniques du corps du déjà-là. Cette modélisation met ainsi en évidence la nécessité de la coexistence et du dialogue de différentes sensibilités théoriques et choix méthodologiques pour analyser la consistance de la personne, identités sociales et pratiques sociales se combinant pour engendrer l’action.