Le théâtre, spectacle vivant est au centre de bouleversements récents. Les plus importants ont favorisé l’expression « brute » et « intrinsèque » des individus eux-mêmes, leurs manifestations singulières, la présence des corps dans leur opacité. Dans ce cadre, les mots perdent en importance. S’instaure une nouvelle spectacularité où s’exprime le « tout » dans un immédiat sans distance. Ce qui donne à la présence de chair, une densité la plus tangible, la valeur d’un « dire » sans parole. La performance, devenue « art de soi » est alors ce qui épouse au mieux les affirmations nouvelles d’un sujet prétendant exister sans ascendance. Tel est un de mes premiers terrains de recherche présenté ici. Or cette spectacularité n’est pas sans lien avec celle qui prévaut dans le théâtre de Jules Verne, oeuvre célébrée en son temps et qui s’appuie sur l’adaptation de ses romans. Le thème du privilège donné au « corps » sur le « langage », sous une forme particulière, s’y impose. Jules Verne le fait avec une force inégalée jusque-là, tentant de transposer sur la scène du théâtre la totalité du vaste univers contenu dans ses romans, jouant plus avec les décors qu’avec les mots, plus avec les « panoramas » qu’avec les commentaires. D’où la nécessité d’un immense investissement sur le décor et ses machineries, la présence de la faune, les nombreux figurants, les costumes clinquants des acteurs. D’où le nom de « théâtre-monde » donné à ce genre d’entreprise, qui introduit une originalité dans l’histoire du théâtre lui-même. Plus profondément, dans la restitution d’un monde rendu visible par le jeu des décors et des panoramas, c’est bien le cinéma qu’une telle initiative prépare.