Cet ouvrage s'intéresse à la chanson sur timbre des débuts de la période moderne. Apparues massivement aux premiers temps de l'histoire du livre imprimé en Europe, et avant l'imprimerie musicale, ces chansons circulaient largement dans des recueils paroliers. On les chantait sur des airs, les timbres, qui étaient simplement mentionnés. Ces timbres servaient dans des domaines aussi variés que les noëls, le théâtre comique, la chanson spirituelle protestante, ou la chanson politique et d'actualité, mais aussi des recueils chansonniers destinés au divertissement pur et simple. L'inventaire de ces airs (catalogue, partie II) permet dans de nombreux cas de les reconstituer, par exemple à partir des partitions polyphoniques, dont pourtant ils se distinguent nettement : il existe une circulation distincte de ces chansons de transmission orale, qui les maintient à l'écart de la musique savante. En sorte que lorsque les chansons parisiennes de Janequin ou Sermisy les utilisent, elles ne font souvent qu'accommoder un air qui circulait déjà, et non le créer de toutes pièces. Outre ce résultat principal, qui modifie notre compréhension de la chanson parisienne, on constate une survivance de formes chantées du virelai très avant dans le XVIe siècle, alors que ce type de pièces a disparu des pratiques poétiques dès la génération de Clément Marot. Enfin certaines de ces chansons, notamment des chansons en laisse, sont encore attestées dans la chanson traditionnelle francophone, telle qu'elle est collectée en France et outre-Atlantique à la fin du XXe siècle : les hypothèses et observations des folkloristes du domaine francophone, principalement Patrice Coirault et Conrad Laforte, s'en trouvent confirmées et amplifiées. Ces débuts de l'histoire du livre populaire, sous son angle chanté, révèlent donc l'imprégnation sonore qui entoure la création poétique de toute une génération de poètes, mais aussi la diffusion de compétences métriques et lyriques par le biais de la mémoire musicale, auprès d'un public très élargi.