La mise en scène d’un renouvellement associé à une ouverture à la « société civile » est l’un des traits saillants du scrutin des municipales 2020. Le recours par les responsables des listes à cette rhétorique, qui n’est pas nouvelle , vise à donner le sentiment aux électrices, électeurs, commentatrices et commentateurs qu’ils proposent une offre politique nouvelle et font de la « politique autrement ». À Strasbourg, comme dans d’autres grandes villes , la multiplication des discours et argumentaires sur le renouvellement rend compte d’un processus de cadrage symbolique qui concerne les principales listes en lice. De pair avec cette rhétorique, les partis disparaissent toujours plus des affiches, des tracts, des programmes, et des discours, alors même que la quasi-totalité des listes est soutenue par plusieurs partis. De l’extérieur, on pourrait penser à un retrait ou à un affaiblissement des partis au cours de la campagne des municipales, qui seraient cantonnés à un rôle secondaire – un vague soutien –, et à des campagnes déclinées autour de logiques et d’enjeux strictement locaux. Cependant, enquêter sur les équipes de campagne au moyen d’outils des sciences sociales amène très rapidement à faire le constat de leur présence incontournable : les partis « infusent » les entreprises de mobilisation électorale. Enquêter sur les personnes investies dans la campagne électorale des principales listes rend compte de la manière dont les partis sont toujours structurants. Ce chapitre s’attache d’abord à évoquer une mise à distance des partis en façade, car les listes demeurent structurées à partir d’un prisme partisan et d’identités partisanes. Il montre ensuite comment les partis structurent la campagne : d’un point de vue matériel, mais aussi dans la constitution des listes et la division du travail de mobilisation. Les partis représentent des instances majeures de socialisation à l’action politique pour nombre de candidats présents sur les listes, et plus encore ceux qui sont au centre des mobilisations électorales (têtes de liste, responsables de campagne, candidats et militants les plus actifs). C’est dans un cadre partisan qu’ils ont développé des savoirs et des savoir-faire spécifiques à l’espace politique local et à l’activité politique, et c’est essentiellement par l’intermédiaire des réseaux partisans que se font les recrutements de candidats. Les expériences partisanes ainsi que les jeux partisans et la position dans l’espace politique local sont également décisifs dans la division du travail de campagne , et les manières dont les agents investissent les rôles politiques.