Cette communication a porté sur une « recherche collaborative », expression généralement utilisée pour dire le travail entre chercheur·es et enseignant·es dans le monde de l’éducation. Née en 2018, le support en est un projet d’éducation musicale, imaginé par l’enseignante d’une école élémentaire et un musicien professeur en école de musique, et centré sur un apprentissage à partir des sons et de leurs multiples combinaisons possibles. Le chercheur a été invité par l’enseignante à mener une recherche pour analyser ce que ce projet produisait, côté enfants-élèves comme côté adultes (de 9 à 14 enseignant·es, 3 musiciens). L’engagement long (2018-25) dans le dispositif "Lieux d’éducation associés" (Institut français de l’éducation) permet d’établir des constats sur l’évolution du travail de recherche, à travers des constantes et des mouvements (inflexions, freins, dynamiques insoupçonnées…) générés par le contexte local et institutionnel. Proposant, au début, un travail fondé sur la combinaison vidéo-entretien (individuel et collégial), le chercheur a invité à une analyse plurielle des pratiques, à partir de l’observation ethnographique des interactions dans les ateliers musique. Au fil du temps, des transformations conséquentes ont affecté les objectifs de la recherche, son appropriation par les acteur·es et l’usage collectif des moyens d’échange (surtout numériques : mails, applis, padlet, drive…). L’analyse a comporté deux axes : • Le poids du rapport au travail et des réalités institutionnelles sur l’« espace d’activité co-laborative » (Filiod 2018), qui produit un engagement différencié des acteur·es. Censée tendre vers du commun, la recherche collaborative se heurte à des dynamiques complexes, inscrites en partie dans la logique des projets et des partenariats. • L’effet produit par les « trois univers de sens » du chercheur de terrain : personne ordinaire, acteur social, chercheur scientifique (Cefaï 2003). Les acteur·es portent aussi les premiers, seul le troisième diffère : outre qu’ils/elles ne deviennent jamais complètement chercheur·es, on constate, au fil du temps, une tendance au recentrage sur le cœur de métier. Dès lors, peut-on encore parler de recherche « collaborative » ? Ou de « recherche » tout court, dont seul le chercheur pourra tirer les fruits scientifiques ? Références BEDNARZ Nadine, 2015. « La recherche collaborative. Entretien réalisé par Jean-Luc Rinaudo et Éric Doditi, Carrefours de l’éducation, 2015/1, n°39, p. 171-184. BOUTINET Jean-Pierre, 2019. Anthropologie du projet, Paris, PUF. CEFAÏ Daniel, 2003. « Postface. L’enquête de terrain en sciences sociales », in L’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 467-615. DELALANDE Julie, DUPONT Nathalie, 2020. Rencontre entre chercheures et professionnels d’un Programme de Réussite Éducative : le partage d’une altérité professionnelle, un engagement dans la confiance, Les Sciences de l’éducation – Pour l’Ère nouvelle, vol. 53, 131-150. FILIOD Jean Paul, 2018. L’éducation en partage. Une sociologie anthropologique du travail éducatif. Louvain-la-Neuve, EME.