La loi française du 27 mars 2017 instaurant le devoir de vigilance a été, en quelque sorte, pionnière dans son domaine. Elle a été suivie de plusieurs législations européennes et, plus récemment, de la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. La première question qui peut être posée à ce sujet est celle de la compétence de l’UE pour adopter un texte de droit dérivé en utilisant le fondement relatif à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur. L’on sait que le concept de marché intérieur s’est progressivement enrichi avec l’émergence d’une compétence en matière sociale et que cette compétence des institutions européennes en vue d’adopter des actes sur ce fondement, est également influencée par les valeurs inscrites dans les traités, au titre desquelles l’on évoque la solidarité. Cette dernière peut être interprétée de différentes manières et semble viser la réglementation de l’activité des entreprises qui ont leur siège dans un État membre tout en développant aussi des relations contractuelles avec des partenaires dans des États tiers. Le droit de l’UE ayant pour objet de régir les relations entre États membres ou celles vis-à-vis des États tiers, mais visant aussi à créer des droits d’effet direct à l’égard des individus, il convient, dans un second temps, de réfléchir à l’incidence de la solidarité, de droit privé. Celle-ci se manifeste dès lors que l’on s’intéresse à la consécration d’un régime de responsabilité civile et à son effectivité au niveau des groupes internationaux de sociétés. L’on peut soutenir que la solidarité s’exprime, dans le contexte du devoir de vigilance, par le fait que la responsabilité civile s’étend à la chaîne de valeur, et ce, peu important, la dissociation des États d’établissement des différentes sociétés composant la chaîne de valeur. À cet égard, l’exploitation des mécanismes de droit international privé devient nécessaire (forum necessitatis, loi de police, etc.). Ce sujet d’actualité intéresse tant du point de vue du droit de l’environnement que de celui de l’interaction entre droit des affaires et droit social (p. ex. travail forcé, travail des enfants, etc.).